Le Mouloudia Club d’Alger (MCA), surnommé le « Doyen des clubs algériens », est bien plus qu’une institution sportive. Fondé en 1921 par Abderrahmane Aouf sous l’oppression coloniale, ce club incarne l’identité et la résistance algériennes. De ses débuts modestes à ses triomphes face au Real Madrid et son titre africain, le MCA a marqué l’histoire du football. En 2025, il se distingue également par une initiative humanitaire majeure : l’annulation de la célébration de son 104e anniversaire pour soutenir le peuple palestinien à Gaza.

Une naissance sous le signe de la résistance

L’histoire du MCA débute par une humiliation coloniale. En 1921, place des Martyrs, Abderrahmane Aouf, alors âgé de 19 ans, observe des enfants jouer avec un ballon de papier.
Un sergent français les raille : « Voici le Parc des Princes des Arabes ! » Profondément blessé, Aouf décide de créer un club musulman algérien pour défier les équipes coloniales.
Le 7 août 1921, jour du Mawlid, il réunit ses amis au café Malakoff, dans les quartiers de la Casbah et Bab El-Oued. Après des débats sur des noms comme « Éclair Sportif » ou « Croissant Algérien », une voix anonyme propose « Mouloudia », inspiré par la naissance du Prophète.
Le nom Mouloudia Chaâbia Algéroise est adopté, avec le vert (espoir et islam) et le rouge (sacrifice patriotique) comme couleurs, tirées du drapeau national.

Déjouer les obstacles coloniaux

La création du club fut un défi. Les autorités coloniales rejettent la demande d’Aouf, trop jeune pour fonder une association. Il falsifie alors des documents en empruntant l’identité de son oncle, Abdelmalek, et répond avec astuce aux questions des autorités : le club, dit-il, prépare les jeunes au service militaire, et les couleurs symbolisent le paradis (vert) et l’enfer (rouge).
Face au manque de fonds, sa tante offre 150 francs français, permettant l’achat des premiers équipements. Ainsi naît le Mouloudia Islamique Chaâbia, avec l’étoile et le croissant comme emblèmes.

Un symbole contre l’oppresseur

Tel Moïse face à Pharaon, le MCA, validé par les tampons coloniaux, devient une menace pour l’occupant.
En 1921, malgré l’inexpérience de ses joueurs et le manque de moyens, le club termine sa première saison à une place honorable.
En 1922, il intègre la cinquième division française. La popularité croissante du MCA effraie les autorités, qui imposent le service militaire à ses joueurs pour freiner son ascension. Pourtant, le club atteint la première division, devenant un symbole de résistance. Pendant la guerre d’indépendance, 79 martyrs, dont 37 joueurs, soutiennent l’Armée de libération nationale, payant un lourd tribut pour la liberté.

Le « Houmaïsme » : une ferveur inégalée

Le MCA bénéficie d’une base de supporters passionnés, les « Chnaoua », dont l’amour pour le club est héréditaire. Basés à Bab El-Oued, ils défendent leur quartier avec une ferveur légendaire. Le derby contre l’USM Alger, l’ennemi juré de Soustara, transforme Alger en un théâtre de rivalité. Les tribunes sud (MCA) et nord (USMA) s’embrasent de chants et de fumigènes, incarnant le « Houmaïsme », une célébration de l’identité du quartier. Les ultras du MCA, avec leurs drapeaux géants et leurs chants poétiques, expriment des messages politiques et sociaux, relayant les aspirations des jeunes aux autorités.

Un palmarès d’exception

Après l’indépendance, le MCA remporte son premier titre en 1971 face à l’USMA, au stade du 20 Août, sous les yeux du président Boumédiène.
La saison 1975-1976 marque l’histoire avec un quadruplé : championnat, Coupe d’Algérie, Ligue des champions africaine et Coupe maghrébine.
Menée par des légendes comme Lakhdar Belloumi et Ali Bencheikh, l’équipe, surnommée le « Onze d’or africain », bat le Real Madrid et triomphe face à Hafia Conakry en 1976.
Avec 8 championnats, 8 Coupes d’Algérie, 1 Coupe de la Ligue, 4 Supercoupes, 1 Ligue des champions et 2 Coupes maghrébines, le MCA affiche un palmarès impressionnant.

Une solidarité exemplaire avec Gaza

En août 2025, les supporters du MCA marquent les esprits en annulant les célébrations du 104e anniversaire du club pour soutenir Ghaza. En coordination avec l’association El Baraka, ils redirigent le budget des fumigènes et feux d’artifice vers l’aide humanitaire pour les habitants de Ghaza, confrontés à des conditions dramatiques. Cette initiative, saluée par le journaliste Hafid Derradji, ambassadeur d’El Baraka, reflète l’engagement des Chnaoua. « L’humain prime sur toute célébration, et la Palestine restera dans nos cœurs », a-t-il déclaré. Ce geste a suscité une vague d’admiration sur les réseaux sociaux, renforçant l’image du MCA comme un club porteur de valeurs humanistes.

Une légende immortelle

Né d’un rêve défiant l’oppression coloniale, le MCA est l’âme d’un peuple. Dans la tribune sud, ses supporters, unis et solidaires, incarnent la résistance et l’espoir. Leur engagement pour Gaza illustre leur rôle au-delà du sport, faisant du Mouloudia Club d’Alger un symbole de fierté, de lutte et de solidarité.