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Farid Ali… la voix de la révolte
18 Août 2011

Sa vie fut un combat, d’abord pour l’indépendance de l’Algérie, puis pour l’indépendance démocratique et la reconnaissance de la civilisation amazigh. A ce jour, Farid Ali est une voix qui se chante de génération en génération grâce notamment à sa célèbre chanson "A yemma aâzizen ur ettru".

Farid Ali (alias Khelifi Ali) est né à Bounouh dans la commune de Boghni (Kabylie) en 1919. De santé fragile, le chanteur militant décède en 1981. Dès la fin des années 30, Farid Ali émigre en France où il travaillera comme convoyeur. Selon feu Bessaoud Mohand-Arab, après avoir combattu dans les rangs des Brigades internationales en Espagne pendant un temps, Farid Ali s’est installé en France. Encouragé par les différents chefs d’orchestre du moment : Mohamed El-Kamal et Mohamed Jamoussi, et, plus tard, Amraoui Missoum, le chanteur se consacre à la musique dès la fin des années 40.
En 1949, il participe aux deux récitals organisés par Mohand-Saïd Yala à la salle Pleyel (Paris), en compagnie de Mohamed El-Kamal, Allaoua Zerrouki, Mohamed Jamoussi et les frères cubains Baretto. Il était programmé pour un numéro de claquettes où il était virtuose. Dès le début des années 50 il est sollicité en Kabylie, lors des fêtes familiales pour des animations musicales. En 1957/58 Radio-Paris produit quelques sketches et pièces radiophoniques où Farid Ali tient différents rôles. Deux sketches comiques et deux autres pièces de théâtre sont encore disponibles dans les archives sonores du fonds Radio-Paris. Les deux sketches en question sont : Kirdouch et Le marchand de loterie, enregistré le 9 novembre 1957, Sine yeghyal dhong micro, enregistré le 15 décembre 1957. Ces enregistrements montrent que le chanteur était en France en 1957 contrairement à ce que certains biographes affirment.
En même temps, l’artiste participe à l’émission de radio où sont reçus les chanteurs amateurs qu’il est chargé d’engager : Oukil Amar , Taleb Rabah , et d’autres. En été 1958, avec d’autres artistes algériens arabophones et kabylophones, il fait partie de la troupe artistique du F.L.N. envoyée en Tunisie. Là, il enregistre deux chants de veine patriotique. Leur impact sera très grand parmi la population kabylophone. Il s’agit de A yemma aâzizen ur ettru (O mère chérie ne te lamentes
pas !) et Afus deg-gwfus (Main dans la main). Enregistrés, pour la première fois, semble-t-il, en Yougoslavie, lors de la tournée internationale de la troupe du FLN dans les pays frères et amis, les deux titres seront diffusés pendant tout le reste de la Guerre d’Algérie sur Radio-Tunis et sur les ondes d’autres radios alliées. De nombreuses chansons de Farid Ali sont de la même veine patriotique. Elles appellent au soulèvement du peuple contre l’ordre colonial. Abrid ik-yehwan awi-t ! (Prends le chemin que tu veux !) est l’une des chansons les plus explicites quant au sens militant qu’il veut diffuser parmi le public. Il y est dit :

1. Abrid ik-yehwan awi-t, lamaâna mmet d afehli
2. Ma yecna-yak Farid fehm-it, ur tettu kec d azayri
3. Da Mazigh, ecfu ghef lassel-ik
(1. Prends le chemin que tu veux ! Mais meurs comme un homme !
2. Comprends ce que te chante Farid, n’oublie pas que tu es Algérien !
3. Tu es Amazigh, n’oublie pas tes ancêtres)
Ce fût probablement la première fois, sur les ondes de la Radio, où le mot Amazigh est entendu du public, pour clamer haut et fort l’amazighité - la berbérité - de l’Afrique du Nord en écho au chant patriotique d’Idir Ait Amrane au début des années 40 "Ekker a mmi-s u Mazigh" (Ben Aknoun 1945).
Après l’indépendance de l’Algérie, Farid Ali avait tout le potentiel artistique pour mener une brillante carrière musicale. Pourtant, il y renonça, de crainte, peut-être, de tomber dans les facilités de la variété qui était alors en vogue, à ses yeux démobilisatrice.
Après l’Indépendance, Farid Ali, l’auteur de la célèbre chanson Ayemma Azizen urtru, connaîtra de nouveau les geôles, cette fois-ci, celles de son pays fraîchement libéré. En effet, en 1964, suite à la crise politique de l’Algérie, il était l’hôte de la prison de Berrouaghia où il composa un poème intitulé Saison morte :

Les nuages soupirent au
ras des eaux mortes,
Des roseaux nus déchirent
Leurs sombres cohortes
Grès sale, gris de roche
Un troupeau sur l’onde
triste s’effiloche
et danse une ronde
qui ne semble finir
Nuages qui passent
Un amour s’étire
Au fond d’un regard las
Après avoir ouvert et exploité un café à Alger, il revient en France vers 1966. Là, Farid Ali sympathise avec les membres fondateurs de l’Académie berbère fondée à Paris par un groupe dont Bessaoud Mohand-Arab, Marguerite-Taos
Amrouche, le Dr Saïd Hanouz et d’autres. Il encourageait ceux-ci à aller de l’avant pour arracher au FLN., au pouvoir en Algérie, la reconnaissance de la culture et de l’identité berbères dans son pays. Au cours des années 70 il reprend contact avec ses amis de la Radio algérienne (Chaîne II) où il anime une émission. Mais cette expérience ne durera que quelques mois.
La quinzaine de chansons que nous a léguées Farid Ali montre qu’il fut en effet l’homme d’une œuvre nationaliste militante.


Sources biographique
«Chants kabyles de la Guerre
d’Indépendance. Algérie 1954-1962»
de Mehenna Mahfoufi,
Préfacé par Mohammed Harbi.
Séguier – Atlantica, Paris, 2002.

Par : Kahina Hammoudi

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