Les révolutions, souvent, se peignent en direct sur les murs des cités. Un album réuni aujourd’hui le meilleur du street art égyptien. Peint au pochoir sur le béton, le masque des Anonymous coiffé de l’antique némès des pharaons affiche son sourire sardonique.
Cet emblème de la révolution orne la couverture de Walls of Freedom "les murs de la liberté", un beau livre indispensable aux amateurs de street art et d’art engagé publié par la designer égyptienne Basma Hamdy et par Don Stone Karl, un artiste de rue et éditeur berlinois. En 240 pages illustrées à la bombe, il retrace - chronologies détaillées et textes d’activistes à l’appui - les grandes phases de la révolution égyptienne, ses premiers jours, la transition chaotique menée par le Conseil suprême des forces armées, puis le pouvoir des Frères musulmans et enfin l’ascension du général Sissi.
Un travail à la portée mémorielle également, les graffeurs concurrents, l’érosion et les badigeons de la police vouant ces fresques sauvages à une existence éphémère. Sur un pochoir de juillet 2011, un soldat s’apprête à jeter un nourrisson dans un brasier, mise en garde précoce contre la mainmise de l’armée sur le pouvoir. La légende précise que "le pochoir a été barbouillé le jour suivant".
Walls of Freedom est aussi l’illustration de la créativité révolutionnaire, où la proclamation des idéaux se mêle à l’ironie et parfois à l’insulte, où le rêve est réalité. Sur une double page, une photo montre une rue barrée par un haut mur de cubes de béton. Un artiste y a peint en trompe-l’oeil le paysage obstrué, faisant voler en éclats le rempart. Aujourd’hui, alors que parade le nouveau général-président, la loi martiale semble reprendre le pas sur l’esthétique de la révolte, mais bien des murs, au Caire, rappellent encore à tous les heures glorieuses de janvier 2011.