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Sport et mort subite
Définir les sujets à risque
20 Janvier 2009

Si l’on peut faire remonter à 490 avant J.-C. la première mort subite sportive (MSS) avec Philippides, le coureur annonçant le résultat de la bataille de Marathon, distante de 42 km d’Athènes, il est bien certain que plusieurs points de vue fort différents sont à considérer :
l Dissociation de la mort subite d’athlètes entrainés de haut niveau de celle de citadins sédentaires exceptionnellement impliqué dans une activité sportive occasionnelle ;
l Distinction des morts subites en compétition (ou s’ajoute à l’effort le stress du résultat) de celles de pratique sportive d’entrainement ou de routine, ou même d’activités nécessitant un effort physique inhabituel ;
l Distinction selon l’âge ou les pathologies cardiaques impliquées s’avèrent très différentes;
l Distinction entre des efforts de résistance (isométriques) brefs, statiques avec surcharge de pression et mise en jeu des mécanismes anaérobies (haltérophilie) et les efforts isotoniques d’endurance dynamique sous maximaux prolongés avec surcharge volumétrique, utilisant les systèmes aérobies (football), avec souvent intrication des deux types d’effort (rugby, cyclisme de course).
Les effets délétères du sport sur le cœur associent le dépassement des possibilités d’adaptation cardiocirculatoire et les facteurs d’environnement impliqués par l’activité sportive généralement en groupe. L’effort dynamique augmente la consommation d’oxygène dans les territoires sollicités, ce qui suscite trois types de réponse :
l une vasodilatation artériolaire avec libération locale de vasodilatation et d’inhibiteurs de vosoconstriction adrénergique par les cellules endothéliales ;
l une élévation du débit cardiaque par augmentation de la fréquence (levée du frein vagal et action chronotrope orthosympathique) et du volume systolique (augmentation du retour veineux et optimisation de la contractibilité myocardique) ;
l une redistribution des débits locaux vers les muscles actifs (myocarde, muscles striés sollicités, muscles respiratoires et la peau), au détriment des territoires splanchniques. Ces mécanismes améliorés chez le sujet sain par l’entrainement sont très limités en cas de cardiopathie.
Les facteurs nocifs d’environnement ne sont négligeables : cigarettes après l’effort, douche trop chaude qui, par vasodilatation cutanée, diminue le retour veineux ou autre variation thermique brutale, hypokaliémie (par exemple par diarrhée au cours d’un voyage tropical).
Le rôle du système nerveux autonome est important et, selon les spécialistes, il y a deux périodes dangereuses au cours de l’effort ponctuel du fait des décharges de catécholamines : au début de l’effort et à l’arrêt de celui-ci ou le rebond vagal survenant sur un taux adrénalinique encore très élevé engendre une instabilité électrique nocive (période vulnérable du sportif).
Les conséquences physiopathologiques de l’effort (surtout en cas d’insuffisance coronaire) associent l’acidose lactique avec hyperkaliémie.

Quelles sont les cardiopathies impliquées ?
Deux populations sont à distinguer, en fonction de l’âge des sujets.
La maladie coronaire athéroscléreuse prédomine largement dès que l’on a dépassé 40 ans, ce qui n’est pas étonnant compte tenu de sa fréquence dans la population générale, et les 2/3 de la totalité des «morts subites sportives» dépendent de cette étiologie (JAN).
A l’âge de la compétition (18-25 ans), la myocardiopathie hypertrophique (surtout dans la forme asymétrique), le rétrécissement aortique, les arythmies ventriculaires primaires (FV, syndromes de pré-excitation, dysplasie arythmogène VD) sont des anomalies le plus souvent rencontrées et pourraient être diagnostiquées avant la catastrophe. Certains sports sont plus dangereux que d’autres. Particulièrement ceux ou le sujet est intégré dans une équipe (il veut suivre ces coéquipiers, …), ceux ou interviennent un décompte de points, ou le chronomètre, ou un objet convoité unique (le ballon !), ceux qui entrainent une violence d’effort faisant dépasser 85% de la fréquence maximale théorique cardiaque comme le squash.
Comment prévenir la MSS ? Le sujet «à risque» tel que nous l’avons envisagé sera bien entendu à examiner en priorité et représente la «population cible» de la médecine sportive. L’ECG de l’athlète entrainé est parfois difficile à distinguer de celui d’une myocardiopathie hypertrophique. L’épreuve d’effort s’avère bien entendu l’examen clé explorant le seuil ischémique. Il ressort de ce qui précède que «le sportif qui meurt est un cardiaque non diagnostiqué»
Un effort médical doit intervenir pour prévenir ces faits et peut porter sur deux objectifs : définir les sujets fragiles «à risque» qui devraient être plus particulièrement inventoriés s’ils veulent faire du sport, et prévenir les sportifs des conditions «favorisantes» de la mort subite afin qu’ils évitent temporairement la compétition. Le sujet à risque peut être schématisé comme un homme de plus de 40 ans qui présente des facteurs de risque athérogène (tabagisme, hypertension artérielle, hyperlipidémie, diabète, type A de Friedman, antécédents familiaux) et qui a souvent présenté des symptômes fonctionnels discrets qu’il tend à minimiser ou occulter complètement.
Peut-on, en terminant, citer l’anecdote que nous rapporta le Professeur Jean-Paul BINET : au cours d’un de ses derniers séjours dans le midi de la France, Winston Churchill était interrogé par une jeune personne qui lui demandait le secret de sa verdeur et de sa longévité, nonobstant une vie des plus actives. Ecartant son havane (le cigare), le vieux lion laissa tomber du coin de sa célèbre lippe, ces deux mots définitifs : «no sport» quel contradiction !!!

Par : Dr Aït Kaci Boussaad

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