«Au moins, j’en ai une qui est bien», se réjouit Hannah qui vient de découvrir le contenu d’une valise achetée aux enchères quelques minutes plus tôt à Tooting (sud de Londres) où des dizaines de bagages orphelins de passagers aériens sont vendus chaque semaine. Assises sur des chaises qui vont également être adjugées, une cinquantaine de personnes se sont disputés pendant 50 minutes les 138 «bagages non réclamés» mis en vente ce jour-là chez Greasby’s, petite maison d’enchères à Tooting. Pour Hannah Taylor, coiffeuse de 31 ans, c’est une première. Elle a fait le trajet de Newbury, à une centaine de kilomètres à l’ouest de Londres, pour tester le «bon plan» évoqué par une amie, en trouvant matière à vendre sur eBay et dans les vide-greniers. «C’est un loisir. Je suis venue voir, peut-être que je vais avoir des vêtements de marque. C’est un coup de chance», explique-t-elle, s’inquiétant du contenu des sept valises qu’elle vient d’acheter pour 213 livres (271 euros). «Je pensais que tout était lavé et bien plié, sous plastique, mais des habitués m’ont dit que l’on pouvait trouver des sous-vêtements sales», confie-t-elle. Pour certains, vendeurs sur des marchés ou des magasins de bric-à-brac, c’est un rendez-vous quasi-hebdomadaire. Et l’offre ne manque pas. Quelque 42,4 millions de bagages ont été «égarés» en 2007 dans le monde, soit 18,86 bagages pour 1.000 passagers, et un coût pour l’industrie estimé à 2,45 milliards d’euros, sans compter celui des assureurs, selon Sita, une société de services disposant d’un système électronique qui réunit bagages égarés et propriétaires. Il est utilisé par plus de 360 compagnies aériennes et entreprises de bagagistes. L’Association internationale du transport aérien (IATA) stipule que les recherches doivent durer au maximum 100 jours. 85% des «retrouvailles» interviennent dans les 48h mais 0,57 bagage/1.000 passagers se retrouvent orphelins et, souvent, prennent la direction d’une maison d’enchères. Une option choisie notamment par British Airways, deuxième compagnie aérienne en Europe en nombre de bagages égarés avec 26,5/1.000 passagers en 2007. L’argent est reversé à des organisations caritatives, a précisé un porte-parole. «Dans les bonnes semaines, nous avons 300 lots et avec les récents problèmes du terminal 5 à l’aéroport d’Heathrow, nous en attendons beaucoup plus», a indiqué Christine Satchett, propriétaire de Greasby’s. A réception, le contenu des bagages est trié. Les objets de valeur (électronique, bijouterie, vêtements griffés) et les chaussures sont vendus à part, le reste est réparti de manière aléatoire dans les valises. Comme avec une pochette-surprise, l’acquéreur ignore ce qu’il va trouver. «Vous pouvez acheter le linge sale d’un baroudeur qui n’a pas pris la peine de récupérer son sac à dos», relève un habitué. «Certaines contiennent des casseroles et des poêles. Qui emmène ça en vacances? C’est juste pour toucher l’assurance» au poids, souligne Mme Satchett. Mis à prix 5 livres, chaque bagage est adjugé en quelques secondes aux alentours de 20 livres à partir d’une description succincte.