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«Anthologie de la poésie populaire algérienne» de Souhel Dib
Esquisse pour une critique de l’algérianité
20 Novembre 2010

Il est toujours bon par les temps qui courent d’aller se retremper dans le doux cocon de la littérature algérienne, le livre de Souhel Dib publié en 1987 chez l’Harmattan, sous le titre « Anthologie de la poésie populaire algérienne d’expression arabe », offre une grille de lecture d’un large éventail de notre corpus poétique en langue dialectale.

Y sont passés en revue des poètes tels que Seid el Mandasi, Ben Triki, Ben Msaïb Mohammed, Ben Sahla Mohammed, Ben Guitounne el Habib, Benbrahim Mostfa et nous en passons. L’auteur y expose aussi des textes inédits jamais étudiés ou publiés comme ceux entre autres de Benachenhou Belhassane, Bendimered Mestfa, Derragui Mohammed, Fizazi Mohammed. L’auteur, enseignant de philosophie depuis 1968 à Tlemcen, a bien mis en évidence le socle idéologique sur lequel repose la poésie algérienne depuis son apparition au Maghreb. « Ce qu’il y a de certain, c’est ce fait que la poésie arabe d’expression dialectale ne s’est développée en Afrique du Nord qu’après l’arrivée des Musulmans de la péninsule ibérique » écrit-il. L’ouvrage réunit dans sa deuxième partie des extraits poétiques traduits en français par les soins de l’auteur à l’exception de ceux de Youcef Ben Mohammed et de Ben Guitoune Mohammed qui avaient fait l’objet d’une traduction par Sonnek. La poésie algérienne voire maghrébine y est approchée sous différentes facettes : religieuse, érotique, la satire et la poésie de combat, l’éloge funèbre (la Rethoua et la Rhilya). Souhel Dib impute l’origine de la poésie dialectale maghrébine à « l’action des langues étrangères » dans un Maghreb ouvert aux « influences européenne et islamique, orientale et andalouse ». Dans la poésie religieuse l’auteur analyse la place prépondérante que prend le Prophète (QSSSL). En effet, il n’est pas de poésie d’inspiration religieuse qui n’invoque pas son exemple. Ces archétypes sont à chercher bien sûr dans le texte coranique et les hadiths. La « chafaa » est une notion capitale en Islam. L’Envoyé de Dieu (QSSSL), rappelle Dib, est l’intercesseur en faveur des musulmans. Ce privilège étant accordé à Mohammed (QSSSL) comme avant lui à Moïse d’entendre la parole de Dieu, la figure prophétique devient l’incarnation des valeurs morales balisant le Bien et le Mal. « Mohammed (QSSSL) nous dit l’auteur, est l’initiateur par excellence dans la poésie populaire algérienne ». Mieux, « il est même origine dans la mesure où celle-ci désigne la conscience de la valeur de l’acte ». C’est pourquoi un poète comme Sidi Lakhdar Benkhlouf peut s’écrier : « Nous avons besoin de ton secours, ici et dans l’au-delà/Seigneur sans qui tout s’effondre ». La supplique du barde oranais vient comme pour conjurer le mal. Il sait que le recours au Prophète (QSSSL) lui évitera de s’écarter du mauvais chemin. Pour autant la poésie courtoise a toujours cohabité avec la poésie religieuse. Déclamer des poèmes à l’adresse de la bien-aimée ou de l’amant absent, est chose courante dans le contexte maghrébin. Si les vers se ressentent d’un érotisme certain, ils portent néanmoins la marque de leur espace d’énonciation. La beauté féminine se laisse ainsi appréhender selon qu’on la loue dans le désert, dans les Hauts-Plateaux, les montagnes ou les plaines. Ben Guitoune, poète bédouin, s’il en est regardera avec nostalgie comme au moyen-âge les vestiges du camp qui vient d’être levé, alors que Ben Msaïb s’intéressera aux sourcils de la belle Aïcha. L’analyse de la poésie populaire révèle que la femme est louée plus pour la beauté de son corps que pour les qualités de son esprit même si la fidélité à l’engagement des amants reste quelque chose de très important. La fonction du lait y est du reste relevée. Les poèmes recourent à la métaphore du liquide nourricier en le déportant sur le terrain proprement esthétique. C’est le corps féminin qui gagne en épanouissement. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les images représentant par exemple le lait des chèvres dans « Hyzyya » de Ben Guitoune. A propos de la satire ou de la « Hidja », l’auteur nous dit qu’elle « semble une attitude antimusulmane » mais qui n’en est pas moins « une arme psychologique qui combat le vice, la corruption, les fléaux sociaux, etc. ». Au reste si la Hidja est œuvre personnelle du poète, elle n’atteint sa pleine signification que par l’adhésion du groupe. Cette étude sur la poésie populaire algérienne d’expression arabe est de très bonne facture même si l’auteur a entretenu la confusion sur le plan linguistique en y amalgamant la poésie d’expression berbère.
De Souhel Dib, «Anthologie de la poésie populaire algérienne d’expression arabe», L’Harmattan, 2007, Paris, 157 pages.

Par : LARBI GRAÏNE

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