Le Midi Libre - Culture - La diva au sourire angélique
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Fadhéla Dziria
La diva au sourire angélique
6 Octobre 2007

l y a trente-sept ans disparaissait Fadhéla Dziria, celle qui fut connue comme étant la plus élégante des cantatrices Algériennes. Cette figure emblématique du hawzi, née le 25 juin 1917 à Djenan Beït El Mel du côté de Notre Dame d’Afrique, à Alger et décédée le samedi 6 octobre 1970 en son domicile à la rue Asselah Hocine, près de la Grande-Poste à Alger.

De son vrai nom Fadhéla Madani, Fadhéla Dziria, fille de Mehdi Ben Abderrahmane et de Fettouma Khelfaoui, est née dans une famille très modeste qui lui donnera une sœur du nom de Goucem. Celle- ci, dit-on, fut, elle aussi, musicienne en son temps. Fadhéla a eu, aussi, deux demi-sœurs et un demi-frère nés d’un deuxième mariage que fera sa mère après la mort du père. En 1930, alors qu’elle n’était âgée que de 13 ans, Fadhéla se marie avec un homme qui en avait trente. De cette union est née une fille qui mourut très peu de temps après sa naissance. Le mariage que fit Fadhéla ne durera pas très longtemps, lui aussi, puisque en 1935 son mari décède. Juste après cet événement, Fadhéla alors âgée de 18 ans quitte Alger pour Paris.
Dans la capitale française, la jeune Fadhéla Madani fera la joie des mélomanes qui se rendaient au cabaret El Djazaïr et ceux des quartiers à forte concentration d’émigrés en interprétant des chansons du genre Asri. C’est ici qu’elle fera la rencontre de Abdelhamid Ababsa, artiste de talent, grand interprète de la chanson sahraoui du genre «Ayay», variété musicale algérienne qui a connu de très beaux jours en son temps.
L’artiste lui apprendra de nombreuses mélodies très en vogue à l’époque. A son retour forcé à Alger Fadhéla a continué à chanter. Sa voix magnifique plaisait au public et commençait à se faire une réputation dans le milieu des mélomanes. Fadhéla commença à s’imposer dans le monde des artistes. Ce qui lui a valu, d’ailleurs, d’être engagé par Hadj Mahfoud, chanteur chaâbi de la trempe de Hadj M’hamed El Anka, pour animer des soirées durant le mois de Ramadhan au Café des Sports. Etablissement situé à la rue Bruce, dans la basse Casbah, que le cheikh gérait.
Elle fait à cette époque la connaissance de Mustapha Skandrani et Mustapha Kechkoul, deux personnalités du monde de l’art à Alger. Bien introduits, les deux maestro vont l’aider à intégrer le groupe de Mériem Fekkaï. Maîtresse du style hawzi aârassi de l’époque celle-ci animait les soirées de fêtes du tout Alger. Bien sûr, les deux notoriétés de la chanson chaâbie ne se sont engagées à soutenir Fadhéla qu’après l’avoir convaincue d’adopter le style hawzi. S’étant imposé sur la scène artistique, Fadhéla se fait remarquer par Mahieddine Bachtarzi. En mélomane averti et chef de troupe intransigeant, celui-ci n’hésitera pas à faire appel à elle en l’invitant à faire partie de sa troupe musicothéatrale itinérante. Fadhéla est, donc, engagée pour animer la partie concert des tournées de la troupe. En artiste douée, cette dernière, profitera de son rang dans la troupe pour étaler ses talents avérés de comédienne.
Et, de ce fait, elle s’engagera à jouer divers rôles que Mahieddine Bachetarzi lui donnait à interpréter, notamment dans les pièces Ma Yenfâa ghir Essah, Othmane en Chine et Mouni Radjel que la troupe avait à présenter sur les tréteaux des diverses salles de spectacle que comptait le pays en cette année 1949. Cette carrière de comédienne si elle n’a pas été longue lui valut tout de même de vaincre le trac du public et surtout de travailler aux côtés d’artistes consacrés comme Ksentini, Touri, Bachdjarrah, Keltoum et bien d’autres. Après cette escapade artistique, Fadhéla quittera les planches pour revenir à la chanson, sa véritable passion.
Le public la découvre à cette même époque à travers l’émission Men koul Fen chwai que présentait, à Radio Alger, le duo Mohamed Lahbib Hachelaf et Djilali Haddad. Pour son premier enregistrement professionnel, elle reprend Ya Rachiq el Qad, une chanson du mode Araq puisée du répertoire arabo-andalou. Ce retour lui valut plusieurs autres grands succès dont Malou Hbibi, Ana Toueiri et Houni Kanou, des chansons composées à partir de paroles écrites par Mohamed Lahbib Hachelaf sur une musique de Djilali Haddad.
Entre 1950 et 1955, au top de sa forme artistique, Fadhéla enregistre des dizaines d’autres chansons puisées, pour la plupart, du patrimoine andalou,
entre autres, Ya Qalbi Khali Elhal Issir âla Halou, Mal Hbibi Malou et Kahl El Aïn, que lui éditeront les maisons de disques Pacific et Dounia. En 1955,
elle participe à des émissions que la télévision naissante de Radio Alger réalisait.
A cette même époque, Fadhéla Dziria et sa
sœur Goucem furent appréhendées par les services coloniaux de sécurité et incarcérées à la prison de Serkadji pour activités au profit de la guerre de Libération Fadhéla et sa soeur étaient chargées de la collecte des fonds pour la Révolution. A sa sortie de prison, avec sa sœur Goucem à la derbouka, Reinette Daoud, dite l’Oranaise, au violon, et sa nièce Assia au piano et a l’orgue, Fadhéla Dziria forme son propre ensemble musical. Tout de suite après l’Indépendance, l’interprète de Ya Qalbi Khali Elhal reprend sa participation à la radio et la télévision.
Avec son air jovial, l’allure bien mise dans son karakou algérois, brodé de fils d’or, rehaussé de la maharmat leftoul au nœud bien mis sur le côté de la tête et les franges tombant sur les épaules. Foulard typiquement algérois que venait orner l’inévitable khit errouh au pendentif nonchalamment posé sur le front. Dans son costume, Fadhéla Dziria n’était pas uniquement élégante.
Elle était l’élégance même. Avec son langage recherché, toujours sereine dans ses rapports avec les autres, témoignent ceux qui l’on côtoyé, et son comportement à la mise majestueuse quand elle est sur scène, la cantatrice de la chanson hawzi a, malgré sa situation de femme qui n’a jamais connu l’école et ses origines modestes, toujours su imposer du respect autour d’elle.
Pour ses admirateurs, Fadhéla Dziria incarnait la chanson hawzie mais était aussi l’expression vivante de toute une culture, celle de el hadria bent lahdar (la citadine fille de citadins). Aujourd’hui, 37 ans après son décès, celle qui avait débuté son parcours en imitant cheikha Yamna, une autre grande figure de la chanson hawzi, est devenue, non seulement, la référence dans le genre mais, aussi, presque la totalité de son répertoire relève du domaine public.
Fadhéla est aujourd’hui enterrée au cimetière d’El Kettar, là ou est enterré, aussi, le maître du chaâbi, El-Hadj M’hamed El Anka et de nombreux autres géants du monde des arts.

Par : Mohamed TAHAR

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