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Edition du 2 Juin 2011



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Djamel Benaamer, fondateur du Meslek combat, au Midi libre
«Nous demandons à être reconnus dans notre pays»
2 Juin 2011

D’origine algérienne, Djamel Benaamer, fondateur du nouveau style de combat «meslek combat», déplore l’attitude de certaines instances nationales qui lui mettent des bâtons dans les roues à chaque fois qu’il décide de prendre une initiative visant à développer ce sport en Algérie. Une situation qui le met de plus en plus dans l’embarras malgré, a-t-il expliqué, qu’il ne cherche pas l’argent, mais plutôt, faire bénéficier les enfants de son expérience acquise en Europe. En marge de la visite rendue à notre journal en compagnie du président de l’école «Meslek combat de France», Ouadah Messaoud, du vice-président Kacimi Messaoud, de la secrétaire Aït Taouit Kahina et du trésorier Hakim Saiche, Djamel Benaamer a lancé un message aux premiers responsables du sport en Algérie afin d’ouvrir les portes du dialogue et débloquer une situation délicate qui perdure. Dans l’entretien qui suit, M. Benaamer explique cette nouvelle discipline, son appellation typiquement arabe et ses projets en Algérie. Ecoutons-le.

Midi Libre : Avant d’aller au fond des choses, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Djamel Benaamer : Je suis né en 1972 en Kabylie, à Michelet plus exactement, où j’ai vécu jusqu’à l’âge de huit ans. J’ai fait deux années à l’école algérienne avant de rallier Paris en 1980 avec mon père pour m’installer définitivement là-bas. Très tôt, j’ai pris plaisir au sport, en particulier pour les arts martiaux parce que les membres de ma famille étaient tous des sportifs. Au début j’ai choisi le judo dans lequel j’ai fait ma carrière mais au fil de temps j’ai bifurqué vers d’autres disciplines à l’image de karaté traditionnel (ceinture noire 4e dan de karaté), full-contact et tant d’autres avant de fonder, bien évidemment, mon propre style le « meslek combat ». Cette nouvelle discipline qui puise ses origines dans différents arts martiaux a été lancée en France.

C’est quoi donc cette discipline que vous avez créée ?
D’abord «meslek», comme je viens de le préciser, est un mot arabe qui veut dire en français le chemin. Meslek combat est un art martial créé en France par les Algériens et qui regroupe les disciplines boxe thaï, karaté, taekwondo et beaucoup d’autres sports de combat. L’idée de créer ce nouveau sport remonte à 2005 sous ma propre impulsion. Meslek combat est un terme original, facile à retenir. C’est l’efficacité tout en relation avec le combat. Sans oublier surtout son côté self-défense très réaliste, tout en respectant l’intégrité physique et morale grâce à l’esprit du meslek combat. En très peu de temps, trois secondes au maximum, on peut se débarrasser de l’adversaire tout en utilisant un large éventail de techniques, à savoir les coups de pied et de poing, corps à corps, balayages, projections, clés, stretchings, technique de sol, bâton, arme blanche, voila donc c’est un art martial moderne et complet autant par le côté physique que par le respect d’autrui. La spécificité de ce style, c’est qu’on travaille avec des équipements très originaux, comme le casque à bulle pour la protection du visage, les gants de frappe, kimono, protège-tibia. Mis à part le visage qui est caché intégralement, le reste du corps peut supporter les coups les plus forts en raison de sa musculation.

Pourquoi avez-vous choisi cette appellation typiquement arabe ?
Effectivement, « meslek » est un terme arabe. J’ai choisi ce terme pour définir en quelque sorte son originalité. Et puisque la plupart des styles sont venus, soit du Japon, de Chine ou de Thaïlande, moi je me suis dis pourquoi pas un style propre à nous en tant qu’Algériens et qui touchera du coup tout le monde arabe. Seulement pour éclairer un peu les choses, dans meslek combat il n’y a que du combat, il n’y a pas de techniques de kata.

Comment vous est venue l’idée de créer cette discipline ?
L’idée m’est venue parce que j’ai fréquenté beaucoup les Japonais. Je suis resté quinze ans avec un maître japonais. Après j’ai découvert que la mentalité japonaise ne me conviens pas trop avec tout le respect que je leur dois. Moi j’ai plutôt une mentalité européenne d’origine algérienne donc un peu plus ouverte. A partir de là, je me suis dis pourquoi ne pas fonder un art martial propre à moi d’autant plus que j’ai de bonnes compétences.

Y a-t-il une différence entre ce nouveau style et les autres sports de combat ?
Nous utilisons peut-être les mêmes équipements, mais la spécificité du meslek combat réside dans la compétition. Dans notre sport nous avons deux sortes de compétitions, l’une mettra aux prises deux athlètes et l’autre c’est trois personnes qui combattent ensemble. Cette dernière s’appliquera pour les athlètes détenteurs de la ceinture marron ou noire. Voila l’une des spécificités de ce sport. Et puis meslek combat est un amalgame de plusieurs styles connus dans le monde du sport.

Existe-t-il des règlements bien précis pour ce nouveau sport ?
Bien évidemment, d’abord les coups sur le visage sont remportés à 100%, et ceux également au torse. Tous les coups sont pratiquement autorisés même sur le visage pourvu qu’il soit protégé. Un combat au sol ne durera pas plus de 30 secondes. La deuxième règle, c’est de ne pas blesser ou handicaper l’adversaire. La discipline, la persévérance et la générosité sont les clés de la réussite d’un pratiquant, à quoi s’ajoute également l’efficacité qui est l’élément principal de ce sport. Les arts martiaux comme tout le mode le sait, ont une grande capacité à transmettre certaines valeurs comme le respect d’autrui et surtout la maîtrise de soi.

C’est votre première visite en Algérie ?
Tout à fait, en tant que fondateur de cette discipline c’est la première fois que je viens en Algérie. Avec notre ami Adel (responsable de l’école Nadi El Aourassi de Batna), on essaye depuis plus de deux années d’organiser un stage ici en Algérie pour développer ce sport, mais ce n’est pas aussi facile. Les gens doivent savoir une chose, l’Algérie est le pays de mon cœur. C’est vrai que j’ai vécu toute ma carrière en Europe, mais maintenant avec toute l’énorme expérience que j’ai, je veux servir mon pays, rien que ça. Je voudrais transmettre tout mon savoir-faire à mes frères algériens.

Quel genre de problèmes avez-vous rencontré en Algérie ?
Contrairement à l’Europe où les gens incitent au développement du sport, en Algérie ce n’est pas vraiment le cas. C’est regrettable pour un pays comme l’Algérie connu sur la scène sportive internationale avec son armada d’athlètes de haut niveau. Pour être clair, je ne m’attendais pas à cet accueil très triste, moi qui pensais que je suis chez moi les gens me reçoivent à bras ouverts, ce n’était pas le cas malheureusement, et pourtant nous voulons travailler avec nos propres moyens. Je me sens Algérien à 100%, même si j’habite de l’autre côté de la mer. Ce qui est plus regrettable, à mon avis et qui m’a rendu très triste, c’est le refus catégorique du ministère de la Jeunesse et des Sports de nous accorder un stage après l’avoir accepté au début pour des raisons que j’ignore jusqu’à présent. Là, ce n’est qu’un petit exemple parmi tant d’autres mais avec d’autres instances nationales. En France que ce soit à Saint-Denis, Paris ou dans n’importe quel département nous sommes très connus et reconnus par toutes les administrations, y compris la Fédération.

C’était quoi exactement votre objectif derrière cette visite ?
C’est développer ce style-là et faire bénéficier surtout les enfants de mon pays de mon expérience et celle de mes camarades. Le dernier stage que nous avons effectué à Batna était une grande réussite, notamment pour les enfants dont le nombre a dépassé la cinquantaine.

Y a-t-il un âge spécifique pour pratiquer le meslek combat ?
Il n’y a pas d’âge spécifique pour pratiquer ce nouveau sport. Les gens peuvent pratiquer le meslek combat à partir de 5 ans. Seulement, les cours sont scindés selon les tranches d’âge, d’abord de 4 à 12, 13 à 17 et les plus de 18 ans. Nous avons des femmes, des hommes et y compris des handicapés.

En tant que sport de combat, le meslek combat est-il présent dans les compétitions ?
En France oui, mais au niveau international pas encore. Une chose est sûre, on est reconnus par la Fédération française de karaté et arts martiaux affinitaires, mais le meslek combat en tant que tel n’est pas encore représenté en compétition. Depuis 2006 nous avons pris l’initiative de développer et d’exporter ce style vers d’autres pays. Nous voulons commencer d’abord par notre pays et nous ouvrir par la suite à d’autres pays. Nous avons eu quelques contacts du Koweït, d’Arabie saoudite ou même de la Malaisie, mais la priorité est pour notre pays.

Meslek combat est-il un style complet pouvant s’adapter à d’autres sports de combat ?
Tout à fait, on peut combattre avec un judoka, karatéka voire même avec un boxeur ou un athlète d’une autre discipline.

Peut-on connaître vos projets en Algérie ?
Nous demandons d’abord à être reconnus. Dès qu’on sera reconnus par une fédération on demandera des aides, des subventions à l’État, ça c’est normal. En France il y a des Algériens, des Tunisiens voire même des Marocains qui rêvent de venir faire des stages en Algérie, mais tant qu’on n’a pas de fédération, on ne peut pas se permettre de faire ça. Mon principal projet en Algérie reste le grand stage France-Algérie. Et plus tard ça deviendra une compétition nationale et internationale.

Combien avez-vous d’athlètes inscrits dans cette discipline?
Pour le moment il n’y a que deux pays, la France et l’Algérie qui pratiquent le meslek combat dont le nombre des athlètes a atteint une soixantaine. J’aurais pu le développer dans plusieurs pays, mais je préfère que ça soit l’Algérie le deuxième pays après la France et le premier pays africain qui développera ce style.

C’est un défi difficile à relever…
On y croit toujours. Et puis je reste persuadé qu’à travers le travail que nous sommes en train d’effectuer on pourra débloquer certaines choses. En tout cas, je ne baisserai pas les bras parce que je suis chez moi, donc j’ai autant de droits que les autres Algériens. Pendant le stage de Batna j’ai vu des enfants qui avaient une grande envie de pratiquer cette nouvelle discipline, dès lors, je me suis dis, non Djamel tu dois avancer, même si la réalité en face est très dure.
C’est bien dommage, je connais beaucoup de sportifs algériens en Europe, qui sont plusieurs fois champions d’Europe et de France, et qui veulent développer le sport en Algérie, ils ont vécu malheureusement le même problème. Je ne sais pas ce qui se passe exactement, la peur et l’angoisse, ils bloquent comme ça et pourtant ils sont reconnus en France. Ça nous fait mal, pourquoi ? Parce que c’est comme notre propre famille qui ne nous accepte pas. La deuxième douleur, et qui nous fait vraiment mal, c’est que la victime reste notre pays.

Vous allez tenir votre assemblée générale le 4 juin prochain, quel bilan en faite-vous ?
C’est un bilan très positif parce qu’on s’est déplacé en Chine où nous avons réalisé un grand succès. Au niveau du championnat français, nous sommes classés deuxième, les athlètes sont à 90% des Algériens. Nous avons huit athlètes vice-champions de France en karaté. Nos athlètes se sont illustrés dans pas mal de disciplines, que se soit en France ou au niveau international.

On vous laisse le soin de conclure…
Nous voudrions que les gens nous jugent sur nos capacités, pas pour autre chose, nous sommes des Algériens qui veulent servir d’abord leur pays. Sinon nous sommes bien en France nous avons tout ce qu’il faut. En tout cas, ça je le fait pendant quatre ou cinq ans, et si rien ne se réalise je passerai à autre chose. On ne demande pas de l’argent, ce que nous demandons c’est d’être reconnu. S’ils veulent qu’on passe par une commission ça ne me dérange pas. S’ils nous demandent une démonstration nous sommes là, on n’a rien à cacher, l’essentiel c’est que les portes du dialogue soient ouvertes pour les Algériens qui vivent de l’autre côté de la Méditerranée.

Par : Mourad Salhi

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