Dans un élan stratégique pour sécuriser l’alimentation nationale et dynamiser l’économie bleue, l’Algérie s’engage dans un programme national de développement de l’aquaculture couvrant 13 wilayas. L’objectif ? Produire 4 000 tonnes de tilapia (poisson du Nil) d’ici trois ans, tout en générant 45 millions d’alevins.
Une annonce faite par Badr Eddine Ben Ali, directeur des programmes d’investissement à la Direction générale de la pêche maritime et de l’aquaculture, qui voit dans ce secteur un pilier de la souveraineté alimentaire.
Invité de l’émission "L’Invité du Jour" sur la Chaîne 3 de la Radio Algérienne, Ben Ali a détaillé ce plan structurant, conçu pour transformer un secteur encore embryonnaire en moteur économique. "L’aquaculture n’est plus une option, mais une nécessité pour diversifier nos sources de protéines et compenser le déclin du poisson sauvage", a-t-il expliqué. Avec des espèces prometteuses comme le loup de mer, le daurade et surtout le tilapia – prisé pour sa facilité d’élevage, son faible coût et sa qualité nutritionnelle –, l’Algérie mise sur des fermes pilotes pour inonder les marchés locaux et exporter vers l’Afrique du Nord.
Pour séduire les investisseurs et producteurs, l’État sort le chéquier : une subvention de 50 dinars par kilogramme de poisson produit, couplée à des incitations fiscales alléchantes. Exit les timbres fiscaux ; bonjour les taux d’intérêt réduits sur les prêts dédiés aux infrastructures aquacoles. "Ces mesures visent à lever les barrières et à encourager l’initiative privée, tout en garantissant une production durable", insiste Ben Ali. Résultat espéré : une contribution accrue au PIB, des emplois verts dans les régions côtières, et un filet de sécurité contre les fluctuations des importations de poisson, qui pèsent lourd sur la balance commerciale.
Sur le front maritime, la modernisation est à l’ordre du jour. La réglementation s’assouplit : importation autorisée de navires de pêche industriels de moins de 15 ans, pour renouveler une flotte vieillissante et conquérir les eaux lointaines. Parmi les joyaux visés : des thoniers de 45 mètres, capables de pêcher en haute mer et de cibler le thon, ce roi des océans. "Cela renforcera notre présence régionale et augmentera les captures de manière professionnelle", prédit le responsable. Finie l’ère du chalutier artisanal ; place à une flotte high-tech, alignée sur les normes internationales de durabilité.
Ce double défi – valoriser les ressources marines et innover en aquaculture – s’inscrit dans une vision holistique. "Passer d’une pêche traditionnelle à une pêche professionnelle est stratégique pour l’Algérie, bordée de 1 200 km de côtes riches mais sous-exploitées", souligne Ben Ali. Le programme, doté d’un budget substantiel, intègre formation technique, recherche en génétique piscicole et partenariats public-privé. Et l’intérêt étranger n’est pas en reste : des investisseurs mauritaniens et omanais frappent à la porte, attirés par une quote-part de 31 000 tonnes accordée par la Mauritanie aux pêcheurs algériens. "Ces collaborations renforcent notre réseau régional et positionnent l’Algérie comme un hub de l’aquaculture maghrébine", se félicite-t-il.
Dans un contexte mondial où les stocks halieutiques s’épuisent, cette offensive bleue arrive à point nommé. Elle répond à l’urgence alimentaire – avec une consommation par habitant en hausse – et à l’appel de la transition écologique.
Les experts saluent cette ambition : si elle porte ses fruits, l’Algérie pourrait non seulement auto-suffire en poisson blanc, mais exporter des savoir-faire. Reste à mobiliser les acteurs locaux : coopératives côtières, startups aquacoles et universités pour une R&D affûtée. Badr Eddine Ben Ali conclut sur une note optimiste : "L’aquaculture est un alternative prometteuse, un levier pour la croissance inclusive". Tandis que les fermes de tilapia bourgeonnent à Annaba ou Oran, l’Algérie jette ses filets plus loin, prête à récolter les dividendes d’une mer d’opportunités.