Le Midi Libre - entretien - Comme au cinéma
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Cambriolage
Comme au cinéma
2 Mai 2012

L’affaire qui a été traitée, il y a quelques jours par le tribunal d’Alger est digne des thrillers américains où l’on voit des gangsters réaliser des casses mémorables.

Halim (28 ans) docker aux quartiers dit les voutes, en contrebas de la Place des Martyrs où se trouvent des dizaines et des dizaines de grossistes, a fini par se convaincre que toute sa vie il resterait docker. C’est-à-dire un misérable.
Depuis cinq ans qu’il fréquentait ces lieux, dont il connaissait désormais tous les commerçants, il avait fini par comprendre que c’est l’argent qui appelait l’argent. Et dans son cas, il ne voyait qu’un seul moyen de s’en procurer : le vol. Et depuis quelques jours, une idée commençait à le triturer et à l’obséder : s’emparer du contenu du coffre d’une boutique contenant un coffre-fort. Il en parla à deux dockers comme lui.
- Je suis sûr, leur dit-t-il, qu’il y a un argent fou dans ce coffre.
- Moi, lui répondit Abdeslam, son premier complice, ma situation est elle que n’importe quelle somme à voler ferait l’affaire.
- Non, tu n’auras pas n’importe quelle somme. Tu auras au moins de quoi acheter une voiture et une femme !
- Si tu es sûr de ce que tu avances, Halim, je suis prêt à marcher avec toi.
- Moi aussi, ajouta Djemaa…mais dis-nous d’abord comment tu comptes procéder pour mettre la main sur l’argent de ce coffre…
- C’est simple, les gars…j’ai les clefs d’une boutique…
- Quoi ? Tu as les clefs de la boutique où se trouve le coffre que tu convoites, s’écria Abdeslam.
- Du calme, du calme, les gars ! J’ai les clefs d’une boutique mais il ne s’agit pas de la boutique où se trouve le coffre en question. Il s’agit de la boutique qui se trouve juste à côté d’elle.
Djamaa se gratta la tête et émit un long soupir de lassitude.
- Je n’ai rien compris à ton histoire…
- Je vais t’expliquer …Nous entrerons dans la boutique où se trouve le coffre en ouvrant un trou dans la cloison de la boutique dont j’ai les clefs.
- Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? s’exclama Abdeslam en posant sa main droite sur son front.
- Ne t’inquiète pas, lui répondit Halim. J’ai vu, il n’y pas très longtemps un film où des voleurs ont dévalisé une bijouterie de cette manière. Ils y sont entrés par le biais d’un magasin qui lui est mitoyen. Ne t’inquiète pas. Ça marchera ; j’en suis certain. Tu dois juste ramener le chalumeau de ton frère…
Abdeslam arrondit sa bouche sous l’effet de l’étonnement :
- Que veux-tu faire d’un chalumeau ?
- Je n’ai pas les clefs du coffre-fort…Et j’ai vu dans le film dont je vous ai parlé comment on ouvre un coffre avec un chalumeau.
- Mais il faut aussi une bouteille de gaz pour utiliser ce chalumeau.
- Oui…Si tu n’en as pas, j’en ramènerai une.
- Il nous faudra aussi un véhicule, opina Djemaa. Nous n’allons pas nous promener à pieds à la Place des Martyrs avec un gros sachet de billets de banque.
- Oui…je vais ramener une camionnette, fit Halim.…
Après avoir réglé quelques petits détails, les trois compères, dans la nuit du 23 mai 2011 passèrent l’action.
Ils entrèrent dans la boutique dont Halim possédait les clefs et parviennent à ouvrir un énorme trou dans la cloison puis un second dans le coffre avec l’aide du chalumeau.
Quand ils se furent trouvés en face des plusieurs liasses de 1000 DA, ils demeurèrent un bon moment muets. Puis ils décidèrent de se servir.
- Hé ! les gars fit Halim…ne prenons pas tout…ne prenons que la moitié…Comme ça si on se fait attraper, la justice sera clémente avec nous.
- Mais tu es fou, toi ! s’écria Djemaa. Nous avons sué comme des chiens et tu veux que nous n’emportions que la moitié ? Parle pour toi… Moi, je remplis mon cabas et je m’en vais.
-Moi aussi, s’exclama Abdeslam qui se rua sur le contenu du coffre avec un petit sachet en plastique.
Quand ses deux complices se furent bien servis, Halim s’avança avec son gros sac poubelle et entreprit de le remplir.
- Bon, les amis, avant de nous en aller, essuyez tous les endroits où vos mains ont pu se poser !
- Ah ! ça c’est génial !s’exclama Djemaa…C’est pour qu’on ne trouve pas les traces de nos doigts…
- Allez, allez, dépêchez-vous les gars ! Une fois ce travail terminé, il nous restera une dernière chose à faire.
- Quoi ? s’enquirent les deux complices.
- Vous ne voyez pas ?
- Euh…non…
- Quand les policiers viendront et qu’ils verront que cette porte a été ouverte sans qu’elle ne subisse de dommages, ils comprendront que ceux qui ont fait le coups avaient les clefs.
- Oui…C’est vrai…Que préconises-tu ? Que nous cassions la porte ?
- Pas la porte ; la serrure !
- C’est une très bonne idée, reconnurent les deux complices.
- Mais on n’a pas besoin de faire du bruit…On a juste besoin de tordre les trois serrures de cette porte …L’essentiel et que les policiers aient l’impression qu’elles ont été forcées.
- Laissez-moi faire, intervint Djemaa…Je vais les amocher ces serrures…Les policiers croiront qu’elles ont été forcées avec un pied de biche.
- Nous rentrons chez nous, nous mettons à l’abri cet argent et nous l’oublions. Vous avez compris ? N’achetez surtout pas quelque chose de trop voyant qui pourrait susciter la curiosité et les interrogations de votre entourage.
- Ah ! oui, oui ! tu as raison, Halim…Tu penses vraiment à tout…
Les trois hommes montèrent dans le véhicule qu’ils avaient loué mais au moment de démarrer, Halim s’écria !
- Abdeslam !
- Oui, Halim ?
- La bouteille de gaz et le chalumeau de ton frère, où sont-ils ?
- Je ne les ai pas ramenés… mon frère en a d’autres…
- Mais tu es fou ! Et nos empreintes qui sont dessus ?
- Ne t’inquiète pas ! je les ai bien essuyées…
- Tu en es sûr ?
- Mais bien sûr….
Pendant qu’il conduisait Halim conseilla ses deux amis :
- Il faut que vous veniez travailler le plus normalement du monde... Comme si de rien n’était. Si nous nous absentons nous risquons d’éveiller les soupçons… Moi, j’ai une journée de récupération que je mettrai à profit pour me rendre demain matin à Mila pour cacher cet argent. Je le confierai à mon frère.
Le surlendemain, dès que Halim fut entré dans la boutique où il travaillait er dont il possédait les clefs. Il y trouva quatre agents de police dont deux en civil. Il arbora alors son air le plus étonné et demanda :
- Que se passe-t-il ?
Son patron lui répondit :
- Ces quatre policiers t’attendaient pour t’arrêter ?
- Ils m’attendaient pour m’arrêter ? Pourquoi ?
- Allez ne fais pas l’innocent ! On est au courant de tout, lui répondit un des policiers en civil.
- Au courant de quoi ?
- Allez, ne nous fais pas perdre notre temps. En ce moment, la police de Mila est chez ton frère pour l’arrêter et pour récupérer le sac de billets de banque que tu as caché chez lui.
Là, le sang de Halim faillit s’arrêter de tourner. Ce n’est qu’au poste de police qu’il comprit comment la police est arrivée si vite jusqu’à lui. Les enquêteurs avaient trouvé le chalumeau du frère d’Abdeslam. C’était cet outil de travail qui avait permis aux policiers de remonter jusqu’à lui très rapidement grâce au nom et au numéro de téléphone que le frère d’Abdeslam avaient gravées dessus et que les trois cambrioleurs n’avaient pas remarqué.
On arrêta le frère d’Abdeslam, puis Abdeslam qui avoua le cambriolage avant de divulguer l’identité de ses complices.
Il y a quelques jours, le tribunal d’Alger a requis 20 ans de prison ferme contre les trois cambrioleurs et 6 ans de prison contre le frère de Halim qui avait accepté de cacher l’argent volé qui lui avait été confié.
Moralité ? Halim n’avait pas bien regardé le film qui lui avait suggéré ce cambriolage !

Par : Kamel Aziouali

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