Le Midi Libre - Culture - Hnifa, femme maudite ou femme fatale
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Le prix de la liberté
Hnifa, femme maudite ou femme fatale
28 Août 2011

Elle était parmi les pionnières ayant refusé le joug d’une société oppressive. Sa révolte contre un monde qui l’étouffait elle la payera chèrement tout au long de sa vie et jusqu’à son dernier souffle. Hnifa, cette grande dame demeure l’artiste qui a su chanter sa douleur -qui est celle de ses congénères-. Qui n’a pas fredonné, en s’y identifiant, ses chansons qui demeurent une valeur indéniable.

Elle naquit en 1929 à Ighil-Mehni, dans la commune d’Azeffoun, une ville côtière qui a enfanté un grand nombre d’artistes. Sa famille a quitté la rudesse des montagnes ingrates de Kabylie pour s’installer à Alger où les conditions de vie paraissent plus douces.
La Seconde Guerre mondiale et le débarquement des alliés dans la capitale précipitent le retour au village d’origine où la jeune fille mène l’existence sans relief d’une montagnarde. Très jeune déjà elle composait des poèmes et chantait lors des fêtes de femmes organisées au village. À peine pubère et comme toute fille de son âge à l’époque elle se marie.
Mais au grand désespoir de l’artiste, ce mariage ne fera pas long feu puisqu’elle divorça. A la fin des années 40, elle s’installe à Alger, chez son frère aîné, dont elle épouse l’un des proches amis. Second mariage et second échec. De cette union naît son unique fille, celle qui sera son unique «rayon» qui lui procurait la joie de vivre. Hnifa se remariera quatre fois, aucun de ces quatre mariages n’a atteint malheureusement une année. Le premier mari était violent alors que le second était déjà marié. Le troisième ne voulait pas accepter sa fille et enfin, le quatrième s’était avéré polygame. Pour subvenir à ses besoins matériels elle pratiquait des petits emplois qui lui permettent de glaner quelques subsides. Sa rencontre, en 1951, avec Lla Yamina constitue le premier jalon de sa carrière artistique. Celle-ci la présente à madame Lafarge qui anime alors une chorale féminine dans laquelle se côtoient des artistes précurseurs dont Chérifa, l’autre grande dame de la chanson kabyle. Hnifa fréquente assidûment la chorale entre 1951 et 1957. Elle s’y affirme et ne tarde pas à faire son apparition à la Radio sous la direction de l’orchestre de Cheikh Norredine, s’y produisant une fois par semaine, accompagnée de la chorale ou en solo.
En 1957, la jeune femme prendra le chemin de l’exil, à la recherche d’autres horizons plus cléments. A Paris, son chemin croise, à nouveau, celui de Kamal Hamadi rencontré quelques années plus tôt à Alger. Il devient son ami et l’auteur de textes qui la sublimeront. Ensemble, ils enregistrent, en 1959, un duo mémorable, Yid-em yid-em, puis il compose pour elle, douze autres relevant de sa vie et de celle de toute femme kabyle.
Dans ce pays d’exil Hnifa, se produit dans les cafés devant un public exclusivement masculin, bravant ainsi les interdits. Elle chante avec le verbe haut la triste condition de l’exilé, l’amertume et la souffrance des femmes.
Quelques temps après l’Indépendance, elle retournera à Alger mais il était dit qu’elle ne trouvera pas dans le pays de ces ancêtres cette sérénité qu’elle recherchait. Pour cette raison donc, elle décida de reprendre le chemin de l’exil. Elle ne reverra plus son pays. Durant les dernières années de sa vie, ses apparitions sur scène sont rares. Elle chantera en public, en novembre 1978 lors d’une fête à la Mutualité de Paris, aux côtés de plusieurs artistes kabyles, tels que Slimane Azem, Idir et le groupe Ferhat Imazighen Imula.
C’était sa dernière apparition publique. Minée par la solitude et rongée par la maladie, Hnifa s’eteint un 23 septembre 1981, dans l’anonymat. Sa fille exhumera son corps pour qu’il soit enterré, une seconde fois, le 19 novembre au cimetière d’El Alia à Alger. Elle laissa à la RTA 64 chansons enregistrées parmi un répertoire qui en comprenait quelque 200 titres et un grand nombre de disques 45 t.

Par : Ourida Ait Ali

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