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Kateb Yacine l’étoilement de l’œuvre ouverture
L’Homme d’un seul livre
14 Août 2010

Kateb Yacine, auteur d’une constellation d’ouvrages gravitant autour de "Nedjma" (1956), se dit pourtant être "l’homme d’un seul livre". Cette "unité en mouvement" fait débat, ainsi ouvert par une dizaine d’analystes littéraires réunis dans l’ouvrage "Kateb Yacine et l’étoilement de l’œuvre" (Editions La Licorne, 2010).

"Je crois bien que je suis l’homme d’un seul livre", avait affirmé Kateb Yacine en 1967, notent Anne-Yvonne Julien, Colette Camelin et François-Jean Authier, professeurs notamment à l’université de Poitiers (France), qui ont agencé cette compilation d’analyses sur l’œuvre katébienne.
Pour Kateb Yacine, son œuvre, "à l’origine, était un poème" progressivement "transformé en romans et en pièces de théâtre", mais "c’est toujours la même œuvre" qu’il a laissée comme il l’avait commencée, "c’est-à-dire à la fois à l’état de ruines et à l’état de chantier".
"C’est cette unité en mouvement qui nous retiendra, unité rayonnante et mobile tout à la fois", avec le texte Nedjma présenté comme "une étoile filante, dont le scintillement a été de longue date annoncé, en particulier par les étincelles de Soliloques (1947) et qui fait fulgurer sa trajectoire dans toute l’œuvre de Kateb", énoncent en avant-propos les auteurs de l’ouvrage.
Ils estiment ainsi que "20 après la mort du poète, il (leur) paraît opportun de proposer une lecture de cette œuvre étoilée, à partir d’outils critiques diversifiés (narratologie, sociocritique, poétique des genres) et de s’intéresser à la manière dont les forgeries de l’écrivain, en prise sur la réalité de l’histoire algérienne, témoignent d’une énergie du renouvellement, qui n’exclut pas le détour par le territoire des ancêtres qui étaient siens".
A cet essai de lecture d’une œuvre en perpétuelle reconstruction, les auteurs associent une dizaine d’analystes tels que Charles Bonn, un spécialiste de la littérature algérienne contemporaine, qui invite le lecteur à une dimension "ré-évaluée" de la "fresque complexe qu’est Nedjma", un livre-manifeste d’un "genre romanesque absent", mettant "à mal la norme européenne du roman".
Pour approcher cette œuvre hors-normes, Denise Brahimi, docteur es-lettres, enchaîne sur "les complexités" de Nedjma, un personnage "inaccessible", incarnant "une logique de l’œuvre (katébienne), en train de s’inventer à mesure qu’elle s’écrit".
Le roman Nedjma met "en signes le chahut détonnant de l’hétérogène", écrit pour sa part François-Jean Authier, estimant que ce livre-balise "retentit de toutes les images éruptives de la violence de l’art".
Mais Nedjma, "mystère de la figure féminine, bonne et mauvaise étoile, astre et désastre, désirée honnie, fantasmée, inventée de toutes pièces rapportées, comment y toucher lorsqu’on est Kateb Yacine, né à Constantine en 1929, grandi dans l’Algérie colonisée en résistance contre la France", se demande de son côté Mireille Calle-Gruber (universitaire). Elle relève que Nedjma "c’est l’allégorie de l’Algérie terre-patrie" et que l’œuvre échappe à la raison, au raisonnement Alors que Naget Khadda, professeur de langue et de littérature, voit en Nedjma, "un texte traversé par un puissant souffle de dissidence qui fait imploser le dispositif du roman réaliste de témoignage", Catherine Brun (universitaire-La Sorbonne) tente de lire dans ce roman référentiel "le mouvement de Kateb Yacine vers le théâtre".
Sur 215 pages, les analystes soumettent des angles de lecture distincts, discontinus, permettant au lecteur d’avancer, de reculer, de procéder à des recoupements pour finalement tirer ses propres conclusions autour d’une œuvre qui, selon Dominique Combe (universitaire-La Sorbonne), signe "la renaissance de la tragédie".
"La tragédie katébienne" se décrypte, selon Françoise Dubor, par le fait que ce "qui est frappant, en définitive, c’est plutôt la façon dont un monde de femmes se dessine et s’impose, au cœur d’un monde masculin, manifestant l’art avec lequel Kateb Yacine donne voix et corps aux femmes", composant par ailleurs une trame émergeant "en force de conscience" et puisant d’un "paradoxal espoir" les chances maximales "d’affirmer une identité nationale irréductible".
Dans l’œuvre de Kateb Yacine, Martine Mathieu-Job (universitaire-Bordeaux) reconstitue la charpente d’un "rapport dialectique antiquité-modernité", proposant ses "réflexions autour d’un motif odysséen revisité".
Elle est relayée par Khedidja Khelladi (université d’Alger) qui , notant que "le degré de la relation mythe-Histoire est un problème cher à l’écrivain" (université d’Alger), en déduit que "comme le voulait Kateb, son œuvre en mouvement reste neuve et constamment ressourcée par ses mythes mêmes".
Benamar Mediene (professeur en histoire de l’art) clôture ce collier de lectures inédites, par des souvenirs un hommage à son ami qui levait en les femmes "des geysers de tendresse et aimait s’y noyer". Il raconte ses retrouvailles avec Zouleikha Kateb, la cousine de Yacine qui est Nedjma pour la postérité.
Dans "le pouvoir explosif du dire de Kateb Yacine, dans la pente allégorique qui est parfois sienne, dans les mouvements amples qui le portent, il y a une dimension indiscutablement plastique", écrit Anne-Yvonne Julien, en présentant, en fin d’ouvrage, un texte de l’écrivain en lequel "se manifeste une forme de reconnaissance envers trois travailleurs de la matière picturale, Baya, Issiakhem et Khadda, interprètes, comme Kateb le fut aussi, des souffrances et des élans du peuple algérien".
APS


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