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hommage au cardinal
Eternel Hadj M’hamed El Anka
24 Novembre 2008

Quoiqu’on ait pu dire et écrire sur la musique chaabie, El Hadj M’hamed El Anka et son art continuent de susciter la passion et de faire des émules chez les disciples de ce genre musical.

De son vrai nom Aït Ouarab Mohamed Idir Halo, Hadj M’hamed El Anka est né le 20 mai 1907 à Alger. Toutes les biographies qui lui sont consacrées rapportent cette anecdote qui lui a valu, malencontreusement, l’inscription sur le registre de l’état civil de l’ajout du mot Halo à son patronyme. Son oncle maternel remplaçant son père Mohamed Ben hadj Saïd, souffrant ce jour là, a répondu "Khalou" ("Ana Khalou") au préposé au guichet qui cherchait à compléter le nom du nouveau-né. Ainsi, Khalou fut transcrit pour donner «Halo» inscrit tel quel par le préposé. Il devient alors Halo Mohamed Idir. Après avoir fréquenté, à la Casbah, l’école coranique de la rue Gariba (1912-1914), il entra à l’école primaire où il eut comme instituteur Brahim Fatah qui lui enseigna le français (1914-1917). Puis son oncle maternel et sa grand-mère l’inscrivirent dans une école à Bouzaréah, où ils demeurent. Après deux années, il dut interrompre ses études pour aider à subvenir aux besoins de sa famille. Sa passion pour la musique populaire fut très précoce, dès l’âge de neuf ans. Il se «débrouillait» pour assister aux veillées musicales, organisées à l’occasion de fêtes, dans la Casbah. Mais les circonstances qui tracèrent son futur chemin datent du mois de ramadhan de l’année 1918. Pendant ce mois sacré, il amenait quotidiennement à son oncle maternel, qui travaillait comme gardien au port, son ftour. Dans le cours du trajet, qu’il devait emprunter, se trouvait le café de la Gare, tenu alors par Rabah dit Charbonnier, où pendant tout le mois, le maître incontesté alors de la musique populaire, Cheikh Mustapha Nador - de son vrai nom Mustapha Saidji (1874-1926 ) -, animait des soirées. Le jeune M’hamed, attiré par la musique s’attardait, le soir, à l’extérieur du café pour écouter tout en tambourinant sur la table.

Un musicien en herbe
Un jour, le patron, attendri par cette scène, le fit entrer dans la salle où, raconte-t-on Cheikh Nador lui avait, une fois, remis, entre les mains, un tambourin. Celui qui n’était encore que M’hamed ne manquera plus les soirées animées par ce grand Cheikh, rapporte Rabah Saadallah dans son livre consacré au maître. Après un certain temps passé chez Kehioudji, demi-frère de Hadj Mrizek qui l’a reçu en qualité de musicien à plein temps au sein de l’orchestre qui animait les cérémonies de henné, réservées généralement aux artistes débutants, Si Said Larbi, musicien et figure respectable de la Casbah, l’introduisit dans l’orchestre de Cheikh Nador. La réticence dont ce dernier a fait montre au départ, s’estompa, au fil du temps, face à la grande persévérance et les qualités indéniables du jeune musicien qui monte. Il s’accrocha tellement, ne lâchant plus Cheikh Nador qu’un jour, selon Rabah Saadallah, celui-ci le qualifia de «El Olka» (sangsue), transformé en El Anka. Une autre version est rapportée par Sid Ali Saâd, membre fondateur de la Fondation El Anka, qui déclara que Cheikh Nador le surnomma El Anka à cause de la pomme d’Adam qu’il avait au cou, témoignage qu’il tiendrait de Omar Bébéo (de son vrai nom Slimane Allane), qui a été un des premiers membres de l’orchestre d’El Anka après que celui-ci eut pris la suite de Cheik Nador, à la mort de ce dernier. C’est un nom qui ne le quittera plus jamais. Cheikh Nador avait été définitivement conquis par les capacité d’assimilation de ce jeune homme et l’avait pris sous sa coupe. Après le décès de Cheikh Nador au mois de mai 1926 à Cherchell, où ce dernier venait juste de s’installer, El Anka prit son relais dans l’animation des fêtes familiales. L’orchestre était constitué, entre autres, de Si Said Larbi, (Birou Saïd), de Omar Bébéo (Slimane Allane) et de Mustapha Oulid El Meddah. La veuve de Cheikh Nador lui remettra, généreusement, à sa demande, le diwan de son défunt mari. Hadj M’hamed El-Anka va parfaire sa formation musicale auprès de Cheikh Saïdi (de son vrai nom Reghai Abderrahmane) et profitera des connaissances, concernant notamment les grands poètes algériens, d’un des plus brillants érudits d’Alger Sid-Ahmed Ben Zekri, proviseur du lycée franco-musulman. Le 5 août 1931, cheikh Abderrahmane Saïdi s’éteignit. Dès lors, El Anka se retrouvait seul dans le genre musical populaire (mdih) répandu, alors, dans la Casbah (mdih).

Le créateur du chaâbi
«Le chaâbi, sous sa forme actuelle, est l’œuvre de Hadj M’hamed El Anka. Il est le créateur incontestable de ce genre particulier de musique populaire. Apparu dans le contexte de l’émergence du mouvement national, le chaâbi, connu d’abord sous l’appellation Moghrabi, répondait à l’exigence du petit peuple : écouter un genre musical moins savant que l’andalou. Dans l’ancienne cité algéroise, la Casbah, l’andalou est réservé aux nantis. D’où la nécessité pour les artistes issus de la Casbah de lancer une musique fondée sur des textes au langage populaire. Du Meddah (midh : chant religieux) à l’interprète, le chaâbi se caractérise dès les années vingt par de petits instruments, tels que le violon, la kuitra et le tambourin. La décennie d’après s’ouvre sur un début de modernisation qui revient au maître incontesté du genre… El Hadj M’hamedEl Anka». (Mohamed Redouane in le Matin du 10 août 2000). EI-Hadj El-Anka introduit, dans une musique réputée monovocale, un jeu instrumental plus ardent, dépouillé de sa nonchalance. Sa manière de mettre la mélodie au service du verbe était tout simplement unique. Il avait, soulignait Bachir Hadj Ali, «intégré dans le tissu mélodique des qaçaïd, des thèmes parfois étrangers et, dans le rythme, des figures nouvelles, sans que l’allure algérienne, ou plutôt maghrébine, en soit fondamentalement affectée». El Anka fera son entrée au conservatoire municipal d’Alger en 1955, en qualité d’enseignant du chaâbi. Parmi ses premiers élèves qui deviendront célèbres, on peut citer Amar Laâchab, Rachid Souki, Hassen Saïd… Plusieurs noms ont fait irruption sur la scène nationale, El Hachemi Guerrouabi, Boudjemâa El Ankis, Amar Zahi, Hassen Saïd, Abdelkader Chaou, etc. qui, dans la foulée de Mahboub Bati, précurseur de la chansonnette dans le chaâbi, introduisirent de nouvelles variations dans la musique et dans les textes. Le nouveau genre, appelé le néo chaâbi ou le chaâbi moderne, que ne reconnaissent pas les puristes et conservateurs du chaâbi, se fraie désormais sa place dans la scène musicale populaire. Parmi les puristes, comme interprètes du genre musical hérité d’El Anka, Maâzouz Bouadjadj demeure, à 75 ans, le survivant de la catégorie des plus grands.

Les dernières soirées
El Anka animera les deux dernières soirées de sa carrière en 1976, à Cherchell, pour le mariage du petit-fils de cheikh Mustapha Nador et, en 1977, à El-Biar, chez la famille Cherifi qui lui était très attachée. El Hadj El Anka a interprété près de 360 poésies (qaca’id) et produit environ 130 disques. Il portera la voix du chaâbi au-delà de nos frontières. En 1932, El-Hadj M’hamed El-Anka avait été l’hôte du Roi du Maroc, Sidi Mohamed Benyoucef, à l’occasion de la fête du Trône au cours de laquelle il a gratifié l’assistance d’une magistrale interprétation. Entre cette date et 1946, il animera plusieurs fêtes et galas au Maroc et en France auprès des émigrés qui garderont longtemps, en tête, sa chanson «El Ghorba Saïba». Evoquer la vie et l’œuvre de celui que d’autres préfèrent appeler «le Phénix» nécessiterait plus d’un volume et il est bien triste qu’un tel géant de notre patrimoine culturel ait suscité chez les responsables que peu d’égards. Hadj M’hamed El Anka décède le 23 novembre 1978, à Alger, et fut inhumé au cimetière El-Kettar où des milliers de personnes lui rendirent un dernier hommage.
M. B.

Par : Mohamed Benrebiai

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