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Edition du 14 Décembre 2013



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Festival national de théâtre d’expression amazigh de Batna
Le quatrième art crève les abcès de la société
14 Décembre 2013

Pour cette énième journée de la cinquième édition du Festival national de théâtre d’expression amazigh, le théâtre régional de Tizi-Ouzou, a donné la réplique avec une représentation théâtrale intitulée "La Terre et le sang".

L’âme de Fouroulou plane sur les Aurès ! Une manière de rendre un ultime hommage à l’écrivain algérien, Mouloud Feraoun, qui paya de sa vie son engagement pour son pays et son humanisme exemplaire, à travers cette représentation théâtrale, adaptée de son œuvre.

Produite par le théâtre régional Kateb-Yacine de Tizi-Ouzou, traduite par Mouhand Aït Ighil et mise en scène par Omar Fetmouche, cette œuvre, relate l’histoire amoureuse mortelle de Chabha, femme de Slimane et amante d’Amar, un revenant de l’exil accompagné de Marie, fille de Rabah mort entre les bras d’Amar dans la mine de la métropole.

Impuissant à sauver son cousin et contraint de l’enterrer dans la terre d’exil, Amar revient au pays avec de lourds reproches, pour avoir abandonner dans une tombe d’outre-mer un cousin, un être cher à Slimane qui jure vengeance contre Amar. Entre le drame de la stérilité de Chabha et la terre qui brûle sous la passion des hommes, Ighil Nezman vivra la tragédie la plus terrible de son histoire avec la mort d’Amar et de Slimane.

Dans un décor reflétant la vie quotidienne des montagnards de la haute Kabylie, cette représentation a captivé le public, en l’intéressant dès le début, à cet univers propre cette région dépitée et grincheuse. Faisant état de leurs envies tardives, de leurs visions étriquées du monde et du vide qui les entoure.

Leurs voix sont chevrotantes, leurs gestes lourds et leurs pensées vagabondes. Mais ils aiment s’épancher sur leurs jours heureux d’antan, sur le temps qui a coulé entre leurs doigts, et sur leur véritable identité comme la finalité de leur vie jalonnée de péripéties inattendues et émaillées de désespoir et d´illusion. Mais l’épreuve qui les marquée jusqu’à la moelle, est cette déception amoureuse.

Le spectacle est assez réussi. Les acteurs ont puisé leur inspiration dans un théâtre symboliste. Les spectateurs sont restés perplexes en cherchant le croisement des regards ou les sourires des comédiens pour les féliciter pour leur art et leur manière. Mouloud Feraoun fut un grand écrivain qui a vécu douloureusement le drame colonial et le déchirement, le délitement de son propre pays. 

Ce fut un homme et un écrivain incompris des deux bords et malheureusement peu furent ce qui a saisi la quintessence du personnage qui reconnaissait le caractère oppressif du système colonial en Algérie. La pauvreté ne rend pas servile l’individu, elle se combat par la connaissance et le savoir, voilà le message que transmettait cet écrivain à travers ses œuvres.

Nul n’est à l’abri !
L’association pour le développement des activités des jeunes de Berriane de la wilaya de Ghardaïa, à son tour, a fait entendre haut et fort le cri du handicapé à travers sa représentation théâtrale intitulée Les souffrances des handicapés, sur les planches de la maison de la culture de Batna. Les souffrances des Handicapés accomplie le magistral travail de nous prendre par la main et de nous amener dans l’univers si particulier des handicapés.

On nous y accompagne, on nous y apprivoise et même dans un monde, où, on ne voudrait pas vivre.  Cet après-midi, on nous a enfin permis de comprendre la souffrance et le désarroi de cette frange de la société. Tout cela est dû à une remarquable production de ladite association. Sur scène, les comédiens incarnent la question d’intégration des handicapés dans la société, malgré tous les efforts consentis, à travers de différents tableaux.

Nous suivons donc ce cheminement cahoteux, plein d’embûches, qui nous a menés dans ce monde que seule cette catégorie de la frange de la société sait ce qu’elle subit. On a donné au texte des qualités incantatoires, les comédiennes le triturent, jouent avec ses sonorités, le hurlent ou le chantent dans une superbe alchimie du verbe.

La musique appuie et intensifie les effets de la voix et les choix des couleurs pour les costumes ou les décors créent des atmosphères qui vont du louche au lyrique, mais qui fournissent toujours au spectateur un point focal explosif. Tout en donnant des pigments aux états d’âme. Ce positionnement trouve sa justification dans le fait suivant : l’art est une activité essentielle à l’être humain, qu’on a pu décrire comme un des fondements de l’humanité.

L’art permet de se penser soi-même différemment et de penser le monde environnant, de chercher du sens aux phénomènes essentiels que nous rencontrons. La pratique d’un art, en confrontant chacun à la création d’une œuvre, permet aux personnes impliquées de se définir comme sujets dans l’acte qu’elles posent. Le théâtre a de plus la caractéristique de poser la question du rapport de l’individu au social, il dénonce les injustices et surtout questionne le destin.

Le pouvoir des mots et son immensité
Quant à la pièce à laquelle l’honneur est revenu pour ouvrir le bal de cette édition, en l’occurrence Assal Nouaoual (Le bourreau du verbe), cette œuvre, écrite par Lazhar Benferag sur une idée inspirée de l’auteur helvétique Friedrich Dürrenmatt, et mise en scène par Chawki Bouzid, relate l’histoire d’un écrivain révolutionnaire qui sera assassiné de la même façon que celle dont fut tué le héros de la pièce qu’il était en train d’écrire. Engageant un dialogue sur la conscience humaine dans l’objectif de mettre en lumière une contradiction, celle de raconter un concept ou d’objectiver une réalité.

Tout en mettant en valeur le pouvoir des mots et son immensité. Et pour cause, le verbe fait la différence entre la réussite et l´échec. Cela dit qu’il n’est pas nécessaire de réussir pour persévérer. Car non seulement ses mots sont la source de nos émotions, mais ils nous portent à l’action. La parole est pouvoir.

Elle peut faire autant de dégâts qu´une bombe atomique ou s’avérer aussi bienfaisante que le meilleur des médicaments. Le metteur en scène, Chawki Bouzid, a réussi ainsi à plonger le spectateur dans un univers angoissant, absurde et paradoxalement esthétique. Car, si les dessins sont riches de signifiants polysémiques et de digressions philosophiques pertinentes, ils n’en restent pas moins extrêmement beaux, touchants, stimulant équitablement le plaisir de voir et les exigences de la raison critique.

D’où l’occasion de découvrir ou de redécouvrir des artistes accomplis qui ont su dévoiler l’irréductibilité de la condition humaine. Cette tâche délicate, assumée par le metteur en scène et ses comédiens, est juste un geste de gratitude, un hommage à l’égard des intellectuels qui ont tant donné d’eux-mêmes pour l´éveil des consciences, travaillant pour diverses disciplines. Mêlant l’humour à l’étrange, le fantastique et le surréalisme, la pièce présentée consiste avant tout à révéler l´essence des choses du quotidien à travers un imaginaire et une intensité onirique originale.

"Le théâtre et l’anthropologie"
En marge de ces représentations théâtrales, le commissariat du festival, a concocté en parallèle un programme assez riche et varié, à l’instar de ce séminaire organisé conjointement avec le département de langue amazigh nouvellement ouvert par la faculté des lettres et langues. Durant deux jours, ce rendez-vous scientifique intitulé "Le théâtre et l’anthropologie", et qui a drainé un nombre important d’étudiants et de chercheurs intéressés par le théâtre d’expression amazighe.

Les universitaires intervenants ont relevé que la dimension artistique des contes populaires, des légendes et des poésies composant ce riche patrimoine riche "se prêtent idéalement à une adaptation pour donner des œuvres scéniques de premier plan". Certains communicants, dont le docteur Hamid Allaoui, enseignant universitaire, ont regretté que "des trésors du patrimoine amazigh oral sont menacés d’oubli faute de valorisation et de transformant en textes pour des pièces de théâtre".

Abdelkader Nettour, spécialiste en littérature populaire à l’université Mentouri de Constantine, a estimé pour sa part que le théâtre amazigh est "essentiellement un théâtre festif faisant appel à la danse, au chant et à la mimique, en puisant intensément dans le folklore et les arts populaires". Ils ont aussi recommandé la publication des pièces anciennes et des nouvelles écrites en tamazight et l’encouragement des étudiants à réaliser des mémoires et des thèses de post-graduation sur la culture et le théâtre amazighs. Il a également été proposé de consacrer la prochaine édition
du séminaire au thème "le théâtre amazigh et les espaces de spectacle".

Par : Idir Ammour

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