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Edition du 19 Mai 2013



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Pas de frontières pour le... poulet frit !
19 Mai 2013

Le concept de fast-food est peut-être à l’aube d’une révolution. Croyez-le ou pas, mais le poulet frit KFC traverse désormais les frontières. Depuis quelques jours, les souterrains reliant l’Égypte à la bande de Ghaza sont le théâtre d’un incroyable trafic.

"C’était mon rêve. Il est devenu réalité", raconte Rafat Shororo, interrogé par The Monitor. Dans son sachet, morceaux de poulet, salade et tarte aux pommes. La dernière fois qu’il y a goûté, c’était il y a six ans. Comme des dizaines d’autres Ghazaouis, il a bénéficié d’un service d’un nouveau genre : celui proposé par al-Yamama.

La petite entreprise, lancée il y a peu, exploite les tunnels à sa façon. "Tout ce dont vous avez besoin pour obtenir un produit KFC, c’est d’un simple coup de téléphone. Quelques heures plus tard, vous pouvez profiter du goût du poulet frit", poursuit Rafat. Le festin est expédié de la cité égyptienne d’al-Arish, à plus de cinquante kilomètres.

Évidemment, les frais liés au transport et à la contrebande ne sont pas négligeables. De la cuisine à l’estomac du consommateur, le fameux "bucket" voit son prix tripler. "Je me fous de l’argent, tout ce que je veux, c’est mon KFC !" lance l’homme.

"Même froid, c’est toujours aussi bon"
L’ironie de l’histoire, c’est que l’idée vient des employés. Leurs ventres criant famine, ces derniers ne trouvèrent rien de mieux à faire que d’appeler un ami à al-Arish. Trois heures plus tard, ils dégustaient tranquillement leur poulet-frites, chez eux à Ghaza. Mohammed al-Madani, conseiller financier pour al-Yamama, commente :

"Après ça, on s’est dit : et si on offrait ce service aux Ghazaouis ?" Jusqu’alors, les grandes enseignes de restauration rapide ont déserté le territoire. Sans tarder, un message est posté sur la page Facebook de l’entreprise. Le coup de pub fonctionne, et cette dernière reçoit plus d’une vingtaine de demandes dans la journée.

Les commandes sont groupées. "Quand on les reçoit, on contacte notre partenaire égyptien", explique le conseiller financier. "Une fois préparés, il amène les repas à l’entrée du tunnel. Là, il les confie à un passeur, qui se charge de les transférer de l’autre côté." Depuis le lancement du "projet KFC, le mois dernier, al-Yamama a délivré quatre commandes. À chaque fois, deux douzaines de repas pour satisfaire les papilles palestiniennes.

Et pour le goût ? "Même si c’est froid, c’est toujours aussi bon", assure Aboud Fares, un jeune étudiant. Mais le service, il est important de le noter, n’est pas accessible à tous. Le prix freine les intentions des plus modestes. "La plupart de ceux qui passent commande sont habitués à voyager et à consommer de la nourriture KFC à travers le monde", admet al-Madani.

Un business souterrain en berne
Passeur, Abu Iyad jure qu’il n’a "jamais eu affaire à ce genre de produits". S’il a du mal à comprendre comment les Palestiniens peuvent payer autant pour si peu, il accepte sans rechigner. Et pour cause, le business souterrain tourne au ralenti depuis plusieurs mois. En février dernier, les Frères musulmans du Caire ont inondé d’eau le réseau. L’objectif ? Rétablir la sécurité dans le Sinaï et rassurer Israël.

Les deux pays s’inquiétaient que les tunnels puissent faciliter de potentielles attaques terroristes dans la région. À en croire Abu, l’allègement de l’embargo israélien sur les produits en direction de Ghaza aurait également précipité la perte d’influence des contrebandiers. "Il y a trois ans, ces repas auraient coûté 200 dollars. Aujourd’hui, c’est à peine 20", regrette-t-il. À moins d’un miracle, KFC ne devrait pas s’installer à Ghaza.

Le bon vieux Harland David Sanders, fondateur du "poulet frit à la Kentucky", devrait continuer de traverser les tunnels. Et les Palestiniens, conformément au slogan de la firme américaine, de se lécher les doigts.


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