Le Centre national de recherche préhistorique, anthropologique et historique organise les 12 et 13 décembre prochains à Alger la «Rencontre fanon». Une rencontre qui sera animée par plusieurs conférenciers à l’occasion de la commémoration de la mort de Frantz Fanon le 6 décembre 1961. Ces deux journées seront une occasion de revenir que sur les écrits de Frantz Fanon et de revoir justement son approche mais surtout de savoir si celle-ci peut nous aider à comprendre le monde actuel et les enjeux auxquels les pays du Sud et l’ensemble de l’humanité sont confrontés.

Plus qu’une simple commémoration, au-delà de l’hommage reconnaissant, il s’agit de faire revivre le cœur vivant de la pensée et de l’action de Fanon, qui portent en elles le souffle historique des luttes du peuple algérien et des autres peuples colonisés.
C’est à partir de plusieurs questions que les organisateurs ont justement initié ces rencontres. Car Dans son fameux chapitre de «Les Damnés de la terre» intitulé «Mésaventures de la conscience nationale», transparaît la grande inquiétude de Fanon quant à l’avenir de l’Afrique. Qu’en a-t-il été de l’évolution de ce continent durant ce demi-siècle écoulé ? Les mises en garde de Fanon peuvent-elles encore éclairer les combats d’aujourd’hui ? Telles sont quelques-unes des questions qui seront brièvement évoquées lors de ces rencontres et feront l’objet des échanges et débats auxquels donnera lieu la «Rencontre Fanon». Le comité scientifique chargé de ces deux jours de rencontre dévoile que cela sera une occasion d’annoncer la tenue prochainement d’un colloque international qui se tiendra au printemps 2013 à Alger sous le thème «L’Afrique aujourd’hui et Fanon». Il sera également question de la mise en place d’un groupe d’études et de recherches fanoniennes (G.E.R.F.) auprès du CNRPAH, dont l’une des missions consistera à apporter une contribution scientifique à la recherche, la collecte, la préservation et la valorisation des archives liées à Frantz-Fanon. Enfin, il y aura aussi l’annonce de la création d’une Association Frantz-Fanon.
Durant cette manifestation, les chercheurs qui y prendront part reviendront certainement sur les analyses proposées par Frantz Fanon des différentes formes de domination fondées sur l’usage direct ou indirect de la violence, à savoir le racisme, le colonialisme et aussi ce que l’on pourrait appeler la domination psychiatrique, trouvaient leur vérification dans les luttes de libération conduites par différents peuples et leurs aboutissements. Cependant, «nous avons vu l’hydre de la domination et de la violence retrouver une vitalité redoublée, en se mondialisation plus encore qu’au temps des empires coloniaux, en s’affublant de toutes sortes de masques et en usant de toutes sortes de procédés, dont certains inédits», annonce les organisateurs dans le texte argumentatif de cette rencontre. La très riche bibliographie aujourd’hui disponible montre amplement combien les analyses transdisciplinaires (psychologiques, psychiatriques, sociologiques, etc.) conduites par Frantz Fanon, des ressorts de la domination et de l’oppression raciste et colonialiste et aussi des ressorts de la lutte contre ces dernières, demeurent opératoires et, au prix d’actualisations pertinentes, transposables aux situations géopolitiques présentes. Les hypothèses prospectives formulées par Frantz Fanon, notamment dans «Les Damnés de la terre», peuvent aujourd’hui encore aider à rechercher les causes endogènes et les causes exogènes des contradictions économiques, politiques et culturelles souvent génératrices de violences diverses, qui affectent nombre de sociétés et singulièrement plusieurs sociétés africaines. Il s’agit, en particulier, d’étudier les mécanismes à travers lesquels l’action des grandes puissances, elles-mêmes engagées dans une impitoyable lutte au niveau mondial, renforce et, souvent, suscite les impasses qui maintiennent ces sociétés à la fois dans la dépendance et dans d’interminables luttes intestines.