Marie-France Le Heuzey : Ma conviction personnelle fait que je n’ai pas envie de différencier les deux. Car l’envie de sécher les cours n’est pas un événement naturel. Il y a un véritable plaisir social de retrouver les camarades qui sont à l’école. Sécher une journée sur une année scolaire, parce qu’il fait beau et qu’on a plus envie de se promener sur les bords de Seine qu’aller en cours, cela nous est arrivés à tous… Dès lors que cela devient quelque chose de récurrent, il y a certainement une souffrance latente. Ces situations de refus ou de décrochage scolaire ne sont donc pas quelque chose de naturel et, selon moi, cela ne doit pas être différenciée de la base de la phobie scolaire.

A quel moment doit-on s’inquiéter
et consulter ? Et surtout qui consulter ?
Il ne faut pas s’inquiéter pour une journée ou une semaine d’absentéisme. Lorsque cela devient trop fréquent : quand ça commence par certains cours, que ce comportement se répète ou se prolonge, et que pour un oui ou pour un non, l’enfant refuse d’aller à l’école, alors il faut faire attention. Dès que l’enfant demande un mot pour ne pas aller à certains cours, même s’il s’agit de la gym, que l’enfant n’a pas envie de s’y rendre, que cet absentéisme scolaire se répète, on est en droit de s’interroger et d’agir. De toute façon, dès lors que l’enfant montre les premiers signes d’absentéisme scolaire, les parents doivent prendre contact avec l’école.
Puis il faut prendre rendez-vous avec le pédiatre ou le médecin généraliste qui devra l’examiner pour éliminer tout problème de santé ?
En effet, si l’enfant ne veut pas se rendre à l’école parce qu’il est trop fatigué, il faut d’abord chercher une cause organique avant de l’orienter vers un spécialiste (consultation par un pédopsychiatre ou un psychologue).
Existe-il des médicaments pour soigner
la phobie scolaire ?
Non, il n’y a pas de médicament miracle capable de guérir une phobie scolaire. Toutefois, dans certains cas particuliers, il faut savoir que si elle est le reflet d’une dépression, ou celui d’un état phobique telle qu’une phobie sociale ou des attaques de panique, par exemple, on peut avoir besoin d’un traitement médicamenteux qui sera prescrit et adapté par le médecin qui suit l’enfant.
Que faire quand la réintégration est vraiment impossible ?
Chez les adolescents, chez qui peuvent se surajouter des addictions, type jeux vidéos, il y a des recours. Quand tout a été essayé et que le retour à l’école est temporairement laissé de côté, il existe des établissements médicaux et pédagogiques spécialisés. L’organisation proposée est alors en internat soins-études : il y a à la fois une équipe soignante et/ou psy, et une équipe enseignante dans l’établissement.
Quels conseils pouvez-vous donner
aux parents dont l’enfant souffre de phobie
scolaire ?
Deux choses : premièrement il ne faut jamais disqualifier l’école aux yeux des enfants, en leur laissant croire que l’école n’est pas intéressante : « Ce n’est pas grave, si tu manques l’école ». Si l’on veut que les enfants la respectent, il faut que les parents aient le même respect vis-à-vis du corps enseignant et la scolarité. Si votre enfant a été arrêté pendant 3 jours et qu’il doit reprendre le vendredi, il doit y retourner le vendredi. Il lui faut conserver une régularité, et vous ne devez pas rentrer dans l’indulgence.
Deuxièment si vous avez un enfant ou un adolescent malheureux qui semble souffrir, ou qu’il veut fuir l’école, c’est qu’il s’y passe quelque chose. Il faut essayer de comprendre, l’écouter, et pouvoir l’aider. Soit il est agressé, soit il a des difficultés d’apprentissage ou un trouble anxieux. Quoi qu’il en soit, il faut être à l’écoute de son enfant. Surtout ne pas le culpabiliser.
En conclusion, il ne faut pas seulement s’intéresser aux bulletins scolaires de votre enfant, mais à sa vie en général pour repérer les signes éventuels qui doivent vous mettre en alerte.

*Médecin pédopsychiatre à l’hôpital
Robert-Debré à Paris et Auteur de Phobie Scolaire