Le Midi Libre - Culture - La mère, la fille et le fils… esprit des ancêtres
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Edition du 12 Août 2011



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Fadhma, Jean et Taos Amrouche
La mère, la fille et le fils… esprit des ancêtres
12 Août 2011

«Ces merveilleuses monodies, par quel miracle venues à nous du fond des âges ? Rien moins que le chant du Phénix, consumant toutes les ardeurs et débusquant l’aurore du sein d’un buisson de larmes.

Tout le sacré du monde et aussi la certitude d’une tradition orphique se transmettant de manière plus élective et mystérieuse qu’aucune autre tiennent dans cette braise unique qui palpite dans la voix de Taos (elle, par tous ses traits visibles, la reine Nepherti, dans une autre existence…), dira le théoricien, poète créateur et principal fondateur du mouvement surréaliste, André Breton concernant notre romancière et chanteuse kabyle Taos Amrouche. De grands noms de littéraires et artistiques à travers le monde ont tenu a lui rendre hommage ou simplement à s’exprimer devant tant de talents. Ainsi Jean Giono, grand écrivain, auteur de romans et pièces de théâtre disait «Ces chants que Taos possède de tradition familiale, de source maternelle, sont l’expression même de la passion et du pathétique d’une race à son origine. C’est l’âme toute neuve, à l’orée des temps, qui s’exprime par eux. Tout ce qui a été modifié et détruit par la civilisation est ici à l’état natif. L’émotion intense de ces chants, qu’à proprement parler on peut dire magiques, est sans précédent.» Taos, sœur de Jean Amrouche est la première femme algérienne romancière, avec Jacinthe noire, publié en 1947. Son œuvre littéraire, écrite dans un style très vif, est largement inspirée de la culture orale dont elle est imprégnée et de son expérience de femme. Parallèlement à sa carrière littéraire, elle a interprété de très nombreux chants berbères qu’elle tient de sa mère. Ces textes ont d’ailleurs été traduits par son frère Jean Amrouche. Douée d’une voix exceptionnelle, elle se produit dans de nombreuses scènes : comme au Festival des arts nègres de Dakar en 1966. Seule l’Algérie lui refuse les honneurs : elle n’est pas invitée au Festival culturel panafricain d’Alger en 1969. Elle s’y rend tout de même pour chanter devant les étudiants d’Alger. Taos Amrouche à œuvré pour la culture berbère : elle participe à la fondation de l’Académie berbère à Paris en 1966. D’ailleurs, devant tants d’interdits, devant tants de marginalisation, elle dira avec force « Nos bijoux sont exposés, nos poèmes, contes et chansons sont répertoriés partout, ailleurs à l’étranger à quoi serviront alors vos lois et vos discours ».
Elle appartient a une famille de lettrés, son frère jean est également écrivain. Leur richesse il la tiennent de deux lieux différents : ils appartiennent à la petite Kabylie par leur père, à la grande Kabylie par leur mère. Mais les hasards de l’histoire ont voulu que leurs parents, en échange d’une bonne instruction française, fussent amenés à adopter le christianisme, puis la nationalité française, les firent naître à Tunis où ils s’étaient exilés pour fuir l’exil intérieur au pays même. En cette «figue de Barbarie» que fut la famille Amrouche, 2 des enfants, Jean et Taos, voulurent préserver la conscience la plus aiguë de leur double appartenance maghrébine et française, et s’attachèrent à jouer un rôle médiateur. C’est à leur mère, Fathma, qu’ils doivent d’avoir su relier les rives des deux mondes. Cette femme, auteur d’ Histoire de ma vie (1968), se rattachait à une lignée d’aèdes, dont elle avait retenu les chants. Jean et Taos se mirent, l’un à traduire les poèmes, et cela donna les Chants berbères de Kabylie (1939), l’autre a complété la collecte et a interprété les chants. Douée d’une voix exceptionnelle, allant du plus grave au plus aigu, à la fois ample et riche de timbre, Taos, dès vingt ans, se sentit appelée à se consacrer aux monodies millénaires héritées de sa lignée. Sa participation au Congrès de chants de Fès, en 1939, lui vaut d’obtenir une bourse pour la Casa Velázquez, à Madrid (en 1940 et 1941), pour rechercher dans le folklore ibérique les survivances de la tradition orale berbère. À la Casa Velázquez, Taos rencontre celui qui deviendra son mari, le peintre André Bourdil. De leur union naîtra une fille unique, aujourd’hui la comédienne Laurence Bourdil. De Madrid, ils retournent vivre à Tunis, puis à Alger, où Bourdil est pensionnaire à la Villa Abd el-Tif. Ils s’installeront définitivement en France en 1945. Les occasions de chanter en public ne se présentent pas tout de suite. Il y a eu, à Madrid et à Barcelone, en 1941, les premiers récitals ; mais, en France, c’est la guerre. Taos s’oriente vers la radiodiffusion. Après Tunis et Alger, c’est à Paris, de 1950 à 1974, qu’elle produira des émissions variées, sur les traditions orales, des entretiens avec des écrivains comme Jean Giono ou Joseph Peyré, une chronique hebdomadaire en kabyle de 1957 à 1963 ; la série se termine par une fresque sonore, en douze émissions, Moissons de l’exil, longue confidence. Marguerite-Taos Amrouche a chanté la tradition berbère, elle était devenue la porte-parole de toutes les femmes qui souffraient en silence en Algérie. C’est avec ferveur qu’elle défendait la culture berbère. Berceuses, méditations, chants de mort et de joie, chants d’exil et d’amour, chants pèlerins, aubades, danses sacrées, chants guerriers et satiriques, complaintes, chants de la meule et chansons à danser, chants du berger, chants du travail- gauleurs d’olives, marche des poutres, chansons espiègles de la fontaine et du pressoir… qu’elle nous livre jusqu’à son dernier souffle le 2 avril 1979. Elle nous laisse un héritage que nous devons garder précieusement et jalousement.

Par : Kahina Hamoudi

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