Le Midi Libre - Société - Boufarik reprend goût à la vie
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Edition du 14 Avril 2009



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Renaissance de la Mitidja
Boufarik reprend goût à la vie
6 Avril 2009

De la plaine encore fumante, les pétarades des motocyclettes parviennent jusqu’aux oreilles des badauds qui ont bravé le froid mordant de la Mitidja pour dénicher de bon matin une bonne affaire au marché aux puces de Boufarik, qui revient à la vie, après une dure période marquée par les attentats terroristes dans une région qui en garde encore les stigmates.

A’Haouch El Gros les affaires ont repris, les mandataires font, de nouveau, recette, les grossistes et les détaillants en fruits et légumes qui approvisionnent les villes et villages du Sahel ont repris le chemin du marché de cette petite ville de la Mitidja, véritable grenier du grand algérois.
’’Les années noires sont derrière nous’’, dit un Boufarikois pour qui ’’la concorde civile est passée par là!’’ Pourtant, il y a une quinzaine d’années, les Boufarikois comme les commerçants se gardaient bien de venir tôt le matin au marché, qu’il soit celui des bestiaux, des véhicules ou des fruits et légumes.
Le climat de peur et de terreur imposé par des terroristes tristement célèbres, avait fait que cette région était vivement déconseillée, de jour comme de nuit, aux étrangers venant des villes et villages avoisinants. La Mitidja avait peur, et les attentats terroristes nombreux, même si les forces de sécurité démantelaient, en ces temps- là, un à un les réseaux de la terreur.
A Chebli, Ouled Slama, Benchaabane, ou Ouled Ch’bel, dans ces villages reculés de la Mitidja, noyés entre orangeraies et cédratiers, la peur était omniprésente.
Petit saut dans le temps, du côté de Chebli à une période que les habitants de la région n’oublieront pas, même si le cauchemar est désormais derrière eux.
Emergeant de la brume matinale qui enveloppe les orangeraies, Chebli, petite bourgade de quelque 5000 habitants, à une trentaine de kilomètres d’Alger, sort d’une longue nuit. Dans les rues humides du village, les petits commerçants s’affairent sans se bousculer devant leurs boutiques.
Les amateurs du petit ’’noir" ont repris leurs vieilles habitudes enpointant très tôt dans les cafés du village, histoire de prendre le pouls des affaires avant de partir aux champs ou dans les vergers agrumicoles tout proches.
Dans ces cafés de Chebli, point nodal de l’axe routier entre Boufarik, Birtouta, ou Sidi-Moussa et Larbaa, les conversations tournent invariablement autour des prix des oranges, des légumes, de l’inflation, de la côte de la laine de mouton, alors qu’à la fin des années 90, c’était à voix basse que les gens se parlaient, s’informaient des incursions nocturnes des groupes terroristes dans les hameaux dispersés dans toute la plaine.
Même aujourd’hui, face à l’étranger, les gens sont peu loquaces. Ici, on ne fait pas confiance au premier venu, même s’il est journaliste, selon des habitants de la région. Chebli, qui a gardé son cachet colonial avec son église dressée au milieu de la rue principale, sa mairie avec sa girouette - un coq rouillé par le temps et l’oubli - et ses petites villas bordées de bougainvillées et de bananiers,n’était plus ces dernières années qu’un village fantôme. Une nuit de 1994, des dizaines de terroristes l’ont attaqué. Ils ont massacré, pillé, incendié.

Boufarik revit, et c’est toute la Mitidja qui renaît
Les fermes alentour ont connu le même sort. Les stigmates de ces atrocités sont aujourd’hui encore visibles.
Tout comme les autres villages de la Mitidja, les gens de Chebli décident d’organiser leur défense et de combattre les terroristes. Après avoir vécu l’enfer pendant quatre ans, les habitants de Chebli ripostent. Ils ont demandé des armes pour se protéger et se défendre contre les groupes terroristes qui rôdaient la nuit près du village. Aujourd’hui, le soleil est plus chaud, plus réconfortant, la vie a repris son cours dans ce paisaible village de la Mitidja. Comme s’il sortait d’une longue nuit. Les gens sont retournés progressivement aux champs, sans le fusil d’assaut en bandoulière. Les agriculteurs empruntent de nouveau les chemins vicinaux bien avant le lever du jour, et n’ont plus peur de tomber sur des groupes terroristes.
Et, lorsqu’arrive le crépuscule, la place du village s’anime, avec une ambiance particulière autour de la grand-place du village, où tout s’achète et se vend, du DVD au pain traditionnel. A Chebli, on se rappelle pourtant de ces ’’années noires’’ durant lesquelles la plaine de la Mitidja a perdu son appellation de potager d’Alger pour celle, tristement célèbre, de "triangle de la mort".
De Chebli à Boufarik, la petite départementale serpente entre les champs de légumes et les orangeraies mangées par les herbes et bordées de tristes brise-vent. Tout au long de cette route, la désolation a laissé place à la quiétude, à l’émergence de petites villas cossues en bordure de route, alors que les petits hameaux ne sont plus isolés avec des desserte de transports publics.
Retour à Boufarik, la ville des Oranges. Elle a survécu. Elle revit, grâce à des hommes qui se sont levés pour se défendre, lutter contre le terrorisme. Mais, personne ici n’est prêt à oublier complètement les années marquées par des attentats à la bombe quasi-quotidiens, des assassinats collectifs, des mitraillages d’écolières en plein centre ville. ’’La ville des oranges" reprend goût à la vie. Mais n’oublie pas. Et si Boufarik revit, c’est toute la Mitidja qui renaît.
Et les écoliers, qui vendaient, entre deux cours, le long de la route du pain de seigle, des oranges, de gros citrons bien juteux ou de magnifiques pomelos, sont revenus. De nouveau, ils refont partie du paysage pour les invétérés routards de la RN1. Aujourd’hui, ils sont là, après des années de disparition.
De nouveau, leur présence, rassurante, a repris ses droits le long de cette nationale 1 en passe d’être débordée par la nouvelle autoroute est-ouest, qui sonnera un jour peut-être le glas du petit commerce du terroir que la riche plaine de la Mitidja a toujours généreusement produit.


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