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Edition du 13 Novembre 2025



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L’Algérie,
rempart international contre le trafic illicite des biens culturels, réaffirme son leadership pionnier
13 Novembre 2025

À l’aube d’une ère où les vestiges du passé sont menacés par des réseaux clandestins transnationaux, l’Algérie se positionne plus que jamais comme un bastion de la préservation patrimoniale. Lors d’une rencontre solennelle organisée hier mardi à Alger pour marquer la Journée internationale de lutte contre le trafic illicite des biens culturels – célébrée chaque 14 novembre –, la ministre de la Culture et des Arts, Malika Bendouda, a tracé les contours d’une stratégie nationale ambitieuse.

Devant un parterre d’experts, de représentants institutionnels et de figures du monde culturel, elle a proclamé l’engagement indéfectible de son pays à défendre non seulement son héritage, mais aussi les valeurs universelles qui lient l’humanité. Cette déclaration, prononcée dans un contexte de recrudescence des vols archéologiques en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, résonne comme un appel à la mobilisation globale.

Une journée symbolique pour une bataille mondiale
Instaurée par l’UNESCO en 2019, cette Journée internationale n’est pas un simple rituel commémoratif ; elle incarne une urgence planétaire. Chaque année, des milliers d’objets culturels – des mosaïques romaines aux manuscrits enluminés – disparaissent des sites historiques pour alimenter un marché noir estimé à plusieurs milliards de dollars. En Algérie, pays riche d’un patrimoine plurimillénaire allant des peintures rupestres du Tassili n’Ajjer aux forteresses ottomanes de la Casbah d’Alger, ces menaces sont particulièrement vives. Mme Bendouda l’a rappelé avec force : « La protection du patrimoine relève d’une responsabilité nationale et morale qui exige une prise de conscience collective et une coordination permanente entre les différentes parties prenantes ».
Pour la ministre, cette lutte transcende les frontières : « L’Algérie restera un partenaire clé dans les efforts internationaux de lutte contre le trafic illicite des biens culturels et continuera de défendre ses valeurs, son identité ainsi que l’héritage humain qui unit les nations sur la base du respect mutuel et de la responsabilité commune ». Ces mots, prononcés dans l’auditorium du Palais des expositions des Pins Maritimes, ont été accueillis par des applaudissements unanimes, soulignant le consensus autour de cette vision. L’événement, co-organisé par le ministère de la Culture et l’Unesco, a réuni une centaine de participants, dont des archéologues, des juristes et des diplomates, pour des débats enrichissants sur les défis contemporains.

Une approche algérienne
holistique : de la loi
à la coopération
L’Algérie n’en est pas à son coup d’essai en matière de sauvegarde patrimoniale. Depuis l’indépendance, le pays a tissé un réseau de lois et d’institutions dédié à la protection de ses trésors. Mme Bendouda a détaillé cette trajectoire : « L’Algérie a consacré, à travers ses législations, ses initiatives et ses partenariats, une approche constante contre toute forme d’atteinte aux biens culturels, partant d’une vision basée sur la prévention, la dissuasion, la restitution et la coopération internationale efficace ». Parmi les avancées notables, citons la loi n°98-04 de 1998 relative à la protection du patrimoine culturel, régulièrement actualisée pour intégrer les réalités numériques – comme la traçabilité des objets via blockchain.
Le ministère s’engage activement à renforcer les capacités de ses établissements : mise à jour du cadre juridique pour alourdir les peines contre les trafiquants, activation de mécanismes de coordination avec les services de sécurité et les Douanes algériennes, et déploiement de programmes de formation spécialisés. Des ateliers de sensibilisation sont organisés dans les écoles et les universités, tandis que des campagnes médiatiques alertent sur les dangers du marché noir. Par exemple, en 2024, une opération conjointe avec Interpol a permis la restitution de 15 artefacts volés d’un site romain d’Hippone (Annaba), dont une statue de marbre représentant un empereur. Ces succès concrets inspirent les voisins maghrébins et subsahariens.
Sur le plan international, Alger suit avec un « grand intérêt » les projets onusiens, notamment ceux de l’Unesco. Le pays participe activement aux fonds de solidarité pour la restitution d’œuvres pillées pendant l’ère coloniale – un chapitre sensible où l’Algérie revendique encore des milliers d’objets au Louvre ou au British Museum. Mme Bendouda a insisté : « L’Algérie poursuivra l’action pour renforcer sa présence internationale en tant que pays pionnier en matière de protection du patrimoine et de défense des valeurs culturelles communes à l’humanité ». Cette ambition se traduit par des contributions financières et techniques aux programmes Unesco, comme le Fonds international pour la promotion de la culture.
L’héritage numide au cœur d’un projet d’inscription Unesco
La rencontre a également été l’occasion d’un éclairage expert sur les avancées concrètes. Mounir Bouchenaki, figure emblématique de l’Unesco en tant qu’ancien directeur du Centre du patrimoine mondial, a pris la parole pour disséquer la Convention de 1972 – ce pilier du droit international culturel. « L’Algérie a joué un rôle décisif dans son enrichissement, en intégrant les spécificités des patrimoines africains et méditerranéens », a-t-il déclaré. Il a rappelé que Alger a ratifié toutes les conventions phares de l’organisation : de celle de 1972 sur le patrimoine culturel et naturel, à la Convention de 2003 sur la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, en passant par celle de 2005 sur la diversité des expressions culturelles.
Mais le clou du spectacle résidait dans l’annonce d’un dossier en gestation. Avec une équipe d’experts algériens, M. Bouchenaki peaufine un candidature exhaustive pour l’inscription des mausolées royaux numides sur la Liste du patrimoine mondial. Ces monuments funéraires, vestiges d’un royaume antique qui s’étendait du Maroc actuel à la Tunisie, symbolisent la grandeur pré-romaine de l’Afrique du Nord. Parmi les sites phares figurent :
• Le mausolée royal de Maurétanie à Tipaza, un édifice cylindrique imposant datant du Ier siècle, orné de sculptures hellénistiques ;
• Le tombeau de Massinissa à El Khroub (Constantine), dédié au roi berbère qui unifia les tribus numides au IIe siècle av. J.-C. ;
• Le mausolée d’Imedghassen à Batna, avec ses frises narratives évoquant des rituels ancestraux ;
• Le tombeau de Siga à Aïn Témouchent, niché dans un paysage côtier et lié à la mythologie massylienne ;
• Les tombeaux funéraires des Djeddars à Tiaret, un ensemble de sept hypogées creusés dans la roche, témoins de syncrétismes culturels ;
• Le tombeau de Tin Hinan à Tamanrasset, figure légendaire des Touaregs, reliant l’Antiquité au Sahara contemporain.
Cette proposition, attendue pour 2026, pourrait porter à plus de dix le nombre de sites algériens classés Unesco, renforçant le tourisme culturel et l’éducation nationale. Bouchenaki a salué la « vision prospective » d’Alger, qui allie fouilles archéologiques high-tech (drones, LIDAR) à une gestion communautaire impliquant les populations locales.

Implications pour l’avenir :
une souveraineté culturelle affirmée
Au-delà des discours, cette journée a mis en exergue les enjeux économiques et identitaires. Le patrimoine, pour l’Algérie, n’est pas un fardeau, mais un levier de développement : il génère des emplois dans la restauration, attire des investissements étrangers et forge une identité post-coloniale résiliente. Face à des menaces comme le changement climatique – qui érode les sites sahariens – ou les conflits armés, qui favorisent le pillage, la stratégie algérienne prône une « souveraineté culturelle » ancrée dans les politiques publiques.
Les débats ont aussi effleuré des comparaisons internationales : si l’Italie excelle dans la restitution judiciaire, l’Algérie brille par sa diplomatie préventive, via des accords bilatéraux avec la France et l’Espagne. Des voix dans l’assistance ont plaidé pour une task force maghrébine contre le trafic, une idée que Mme Bendouda a accueillie favorablement.
En conclusion, cette célébration n’était pas qu’un hommage au passé ; elle trace la voie d’un avenir où l’Algérie, gardienne de l’héritage numide et ottoman, inspire le monde. Comme l’a martelé la ministre, le patrimoine est « la pierre angulaire de la construction de l’identité nationale ». À l’heure où les nations se recentrent sur leurs racines, Alger montre la voie : unir préservation et universalisme pour un humanisme durable.


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