Le ministère de la Poste et des Télécommunications a annoncé samedi l’achèvement de la préparation d’un nouveau cahier des charges relatif à l’activité d’exploitation des services de courrier express, relevant du régime de la déclaration simple.
Ce document vise à instaurer une transparence accrue et à imposer des normes professionnelles strictes pour mieux protéger les consommateurs dans un secteur en pleine expansion, boosté par l’essor du e-commerce. Dans un communiqué officiel, la tutelle souligne que ces mesures "reflètent une volonté pressante de réglementer le marché local du courrier express et d’établir les règles professionnelles qui protègent les clients, tout en garantissant une pratique responsable et institutionnelle de l’activité".
Ce projet de cahier des charges, qui entrera en vigueur après une phase de consultation publique et d’approbation finale, marque une étape clé dans la modernisation du secteur postal algérien. Longtemps critiqué pour ses dysfonctionnements – retards chroniques, pertes de colis, manque de traçabilité et concurrence déloyale –, le marché du courrier express connaît une croissance exponentielle. Selon des estimations de la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (Caci), le volume des envois express a bondi de plus de 40% entre 2023 et 2025, porté par l’explosion des achats en ligne via des plateformes comme Jumia, Ouedkniss ou encore les marketplaces internationales adaptées au marché local. Face à cette dynamique, le gouvernement, sous l’impulsion du ministre Mohamed Tarek Zerouki, entend poser des garde-fous pour éviter l’anarchie et favoriser un écosystème équitable.
Au cœur de ce nouveau cadre réglementaire figurent des obligations précises en matière de transparence et de qualité de service. Parmi les mesures phares, l’adoption d’une identité commerciale claire est impérative : chaque opérateur devra arborer un nom et un logo distinctifs, apposés sur les enveloppes, les emballages et les véhicules de livraison. Cela permettra aux usagers d’identifier facilement le prestataire responsable en cas de litige. De même, un code vestimentaire unifié pour les employés est imposé, reflétant l’identité de l’entreprise tout en respectant les normes d’hygiène et de bienséance publique. "Ces exigences visent à professionnaliser l’image du secteur, souvent entachée par des livreurs informels ou mal équipés", explique un expert en logistique contacté par l’APS.
Les locaux des entreprises ne sont pas en reste : une signalétique identifiable et visible devra être installée à l’entrée pour faciliter les interactions avec la clientèle. La confidentialité des correspondances et l’intégrité des envois postaux sont également sacralisées, avec un respect strict des lois sur la protection des données personnelles, aligné sur la récente loi 18-07 relative à la protection des données à caractère personnel. Un point d’orgue : l’instauration d’un système de suivi électronique (tracking) obligatoire, accessible en ligne, qui permettra aux clients de suivre en temps réel le parcours de leur colis. "C’est une révolution pour l’usager, qui pourra désormais exiger des comptes clairs sans dépendre de promesses verbales", commente un porte-parole du ministère dans le communiqué.
L’égalité de traitement des clients, sans discrimination aucune, est un autre pilier énoncé. Le cahier des charges insiste sur la publication claire des tarifs et des conditions de service, non seulement dans les points de vente physiques mais aussi sur les sites web officiels des opérateurs. Une avancée notable concerne les paiements : chaque entreprise devra proposer au moins un mode de règlement électronique, via des terminaux de paiement (TPE) ou des codes QR, dans le but de réduire les transactions en espèces et d’accélérer la transition numérique. Cette mesure s’inscrit dans la stratégie nationale de numérisation impulsée par le président Tebboune, qui vise à généraliser les paiements sans contact d’ici 2030. En limitant le cash, on combat aussi la fraude et on renforce la traçabilité financière.
Pour restaurer la confiance des citoyens, souvent échaudés par des incidents de colis égarés ou endommagés, le document prévoit une mécanique de compensation claire et rapide en cas de perte ou de détérioration. Les montants et délais seront fixés par arrêté ministériel, avec une obligation de remboursement intégral ou de renvoi gratuit. Par ailleurs, un système efficace de gestion des plaintes est rendu obligatoire, avec des canaux dédiés (téléphone, email, application mobile) et des délais de réponse ne dépassant pas 48 heures. Une clause protectrice cible les mineurs : les envois ne pourront être livrés à des enfants qu’avec l’autorisation expresse de leurs tuteurs légaux, évitant ainsi les risques d’abus ou de fraudes.
Le ministre Zerouki, connu pour son activisme en faveur d’une couverture territoriale inclusive, n’a pas manqué d’appeler les opérateurs à étendre leurs réseaux pour couvrir l’ensemble des 58 wilayas du pays. "Il est impératif que les services de courrier express ne se limitent pas aux grandes agglomérations comme Alger, Oran ou Constantine, mais atteignent les zones rurales et sahariennes", a-t-il déclaré lors d’une récente rencontre avec les professionnels du secteur. Cette exhortation répond à un vide criant : selon un rapport de l’Autorité de régulation de la poste et des communications électroniques (ARPCE), seulement 60% du territoire national bénéficie d’une couverture décente en services express, laissant des millions d’Algériens dépendants de solutions informelles ou surcoûtées. Des incitations fiscales et des subventions pour l’équipement en véhicules et technologies sont prévues pour encourager cette expansion, dans le cadre du Fonds national de développement postal.
Ce nouveau cadre réglementaire intervient dans un contexte de concurrence accrue, où des acteurs locaux comme Algerie Poste, Yassir Express ou des filiales de groupes privés rivalisent avec des géants internationaux comme DHL ou FedEx, qui opèrent sous licence. Le régime de déclaration simple, introduit en 2022, avait déjà libéralisé le secteur en allégeant les formalités administratives, mais au prix d’un foisonnement d’opérateurs peu structurés. "Le cahier des charges vient corriger les dérives d’une libéralisation trop hâtive, en imposant des standards alignés sur les meilleures pratiques internationales", analyse un juriste spécialisé en droit des télécoms. Des sanctions dissuasives sont prévues pour les manquements : amendes allant jusqu’à 5 millions de dinars, suspension d’activité ou radiation du registre, sous le contrôle de l’ARPCE.
Au-delà des obligations techniques, ce document porte une ambition sociétale plus large. En promouvant la transparence et la digitalisation, il s’aligne sur les objectifs du Plan national de développement économique et social (PNDES) 2025-2029, qui met l’accent sur la création d’emplois dans la logistique verte et inclusive. Avec plus de 50.000 emplois directs et indirects dans le secteur, selon des chiffres officiels, ces réformes pourraient générer des milliers de postes supplémentaires, notamment pour les jeunes diplômés en informatique et en gestion. De plus, l’accent sur la protection des données personnelles répond à une préoccupation croissante : en 2024, l’ARPCE a enregistré plus de 1 200 plaintes liées à des fuites d’informations lors de livraisons, souvent dues à des pratiques laxistes.
Les professionnels du secteur accueillent globalement ces mesures avec circonspection. "C’est un pas positif pour professionnaliser l’activité, mais les contraintes logistiques dans les régions isolées exigent un soutien étatique renforcé", réagit le président de l’Union nationale des transporteurs et logisticiens (UNTL), qui plaide pour des partenariats public-privé. Des ateliers de sensibilisation sont prévus dès novembre pour accompagner les opérateurs dans la mise en conformité, avec une période transitoire de six mois pour adapter les infrastructures.
En conclusion, ce cahier des charges n’est pas qu’un simple texte réglementaire ; il incarne une vision d’un service postal moderne, au service d’une Algérie numérique et équitable. Alors que le e-commerce devrait représenter 10% du PIB d’ici 2030, selon les projections de la Banque mondiale, ces garde-fous pourraient transformer un secteur chaotique en un levier de croissance inclusive. Le ministère appelle d’ailleurs à une mobilisation collective : "Tous les acteurs – État, entreprises, citoyens – doivent œuvrer pour un marché postal fiable et transparent." Reste à voir si cette feuille de route tiendra ses promesses face aux défis infrastructurels et concurrentiels qui persistent.