Dans un ciel artistique assombri par la perte, l’Algérie dit adieu à l’un de ses plus grands rieurs, Fouzi Saïchi, connu sous le nom de scène de "Remimez". Né le 9 avril 1951 à Aïn Sefra, dans la wilaya de Naâma, au cœur du désert saharien qui a imprégné son humour terre-à-terre, Fouzi Saïchi s’est éteint le 29 septembre 2025, à l’âge de 74 ans, après une longue lutte contre la maladie. Sa disparition, annoncée lundi par le Bureau national du droit d’auteur et des droits voisins (Onda), laisse un vide immense dans le paysage culturel algérien. "Remimez", membre de l’Onda en tant qu’artiste interprète, était un pilier du théâtre, de la télévision et du cinéma, un homme qui a su transformer les joies et les peines du peuple en éclats de rire inoubliables.
La nouvelle de son décès a provoqué une onde de choc à travers le pays. Le Directeur général de l’Onda, Samir Thaâlibi, a exprimé, au nom de l’institution, une profonde affliction : "Avec des cœurs serrés par la douleur, nous avons appris la nouvelle du décès de l’acteur éminent Saïchi Boukhil Fouzi, connu sous le nom de ’Remiz’. Il était un des piliers de l’interprétation en Algérie, qui a divertit le public par ses rôles distingués au théâtre, à la télévision et au cinéma, laissant une empreinte indélébile." Ces mots résonnent comme un écho à la carrière d’un homme qui, par son talent, a uni des générations autour d’un sourire complice. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a lui aussi adressé une lettre de condoléances à la famille du défunt, soulignant l’ampleur de la perte : "Avec une grande tristesse et un profond chagrin, j’ai appris la nouvelle du décès de l’artiste feu Fouzi Saïchi, qui rejoint son Seigneur après une longue maladie." Il a ajouté : "En consolant la famille de l’artiste dans cette épreuve immense, nous consolons, en cette douloureuse occasion, la famille du cinéma algérien en particulier, et la famille artistique en général, où il a laissé une empreinte d’artiste distingué et remarquable dans ses œuvres engagées, des films et des séries qui ont toujours apporté de la joie aux masses pendant des décennies." Le chef de l’État a conclu par une invocation pieuse : "Devant cette épreuve, nous n’avons d’autre recours que de lever les mains en prière pour que Dieu, dans sa grande miséricorde, enveloppe son âme et le fasse résider dans les vastes jardins du Paradis. Inna lillahi wa inna ilayhi raji’oun."
De son côté, Ibrahim Boughali, président de l’Assemblée populaire nationale (APN), a présenté ses sincères condoléances à la famille et à la communauté artistique : "Je présente mes plus sincères condoléances et consolations à la famille de l’artiste décédé Fouzi Saïchi, connu sous le nom de ’Remiz’, qui a rejoint la demeure éternelle, laissant derrière lui un héritage distingué pour l’art algérien, avec des œuvres dont l’impact perdure dans les cœurs de son public et de ses admirateurs." Il a exprimé sa solidarité avec la famille du défunt et toute la famille artistique dans cette épreuve majeure, implorant Dieu de l’entourer de sa miséricorde infinie, de le faire résider dans les vastes jardins du Paradis, et d’inspirer à ses proches et compagnons la plus belle patience et consolation.
Fouzi Saïchi n’était pas seulement un acteur ; il était un ambassadeur du rire algérien, un conteur d’histoires populaires qui capturait l’essence de la vie quotidienne avec une finesse inégalée. Originaire d’une région où les vents du Sahara portent les échos des traditions orales, il s’est tourné vers le théâtre dès son jeune âge. Formé à Paris, en France, où il a étudié l’art dramatique, il a puisé dans les racines maghrébines pour forger un style unique, mêlant humour absurde et satire sociale. Son pseudonyme "Remimez" – contraction de "Remi" et d’un clin d’œil à son personnage malicieux – est né de son rôle emblématique dans la série télévisée "Les aventures de Remimez" en 1986. Ce feuilleton, diffusé sur la télévision nationale, l’a propulsé au rang de star, où il incarnait un anti-héros espiègle, naviguant entre les aléas de la vie avec une débrouillardise qui faisait écho aux luttes du peuple algérien post-indépendance. Sa filmographie est un trésor pour les cinéphiles. Dès les années 1980, il a marqué les esprits avec des apparitions dans des films comme "Chab" (1985), où son rôle secondaire volait la vedette par son timing comique impeccable. Dans "L’image personnelle" (1991), il explorait des thèmes plus introspectifs, démontrant sa polyvalence au-delà du rire. Les années 1990 et 2000 ont vu sa consécration : dans le film "Le jour de Dieu" de Djamila Sahraoui (2007), il apportait une touche d’humanité à un récit dramatique sur la guerre civile. Ses séries télévisées, telles que "Dar Lella" ou "El Khandagiya", restaient des rendez-vous familiaux, où "Remimez" devenait le oncle rigolo qui commentait l’actualité avec une ironie douce-amère. Au théâtre, il excellait dans des pièces comme "Les trois singes" ou des adaptations de Molière revisitées à la sauce algérienne, où son mimétisme et son expressivité faciale transformaient les planches en scènes de vie. Mais au-delà des rôles, Fouzi Saïchi était un engagé. Membre actif de l’Onda, il défendait les droits des artistes, plaidant pour une meilleure reconnaissance des interprètes dans l’industrie culturelle. Dans des interviews rares – car il préférait laisser parler ses personnages –, il évoquait souvent les défis de la profession en Algérie : la censure sous l’ère du terrorisme, le manque de financement pour le cinéma indépendant, et l’importance de l’humour comme catharsis national. "Le rire est notre arme la plus puissante contre l’adversité", confiait-il un jour à un journal local. Ses collaborations avec des réalisateurs comme Mohamed Rachid Benhadj ou des comédiens comme Fellag témoignent d’une fraternité artistique qui a enrichi le patrimoine culturel algérien. Il a aussi participé à des productions internationales, comme des coproductions franco-algériennes, portant l’accent maghrébin sur la scène mondiale. L’impact de "Remimez" sur le public est incommensurable. Des enfants des années 80, qui grandissaient en riant de ses facéties, aux adultes d’aujourd’hui, qui revoient ses sketches sur YouTube pour se remineraliser l’âme, il a été un baume pour les cœurs meurtris. Dans une Algérie qui a traversé guerres, crises économiques et transitions politiques, Fouzi Saïchi offrait un espace de légèreté, un rappel que l’esprit humain, même dans la tourmente, sait inventer la joie. Ses rôles koraïques – ces personnages ordinaires confrontés à l’absurde bureaucratique – critiquaient subtilement les travers sociétaux sans jamais verser dans la lourdeur. Il incarnait l’Algérien résilient, celui qui rit pour ne pas pleurer, qui unit par l’humour les rives de la Méditerranée et les confins du Sahara.
Aujourd’hui, alors que les hommages affluent sur les réseaux sociaux – des montages vidéo de ses meilleurs moments aux témoignages de collègues comme Sid Ahmed Ag Aboubakeur ou Yasmina Djouïdi –, on mesure l’étendue de son legs. Des écoles de théâtre portent son nom dans sa région natale ; des festivals de comédie lui dédient des soirées. Mais le vrai hommage réside dans la mémoire collective : chaque fois qu’un Algérien lancera une blague sur un "Remimez" imaginaire, son esprit renaîtra. Il nous laisse non seulement des œuvres, mais une leçon de vie : l’art n’est pas un luxe, c’est une nécessité pour guérir les plaies de l’âme.