Le Midi Libre - Culture - Une étoile kabyle éternelle
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Edition du 18 Septembre 2025



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Hommage à Djamel Allam
Une étoile kabyle éternelle
18 Septembre 2025

Le 15 septembre 2018, la scène culturelle algérienne perdait l’un de ses piliers, Djamel Allam, emporté à l’âge de 71 ans des suites d’une longue maladie. Artiste aux multiples facettes, il a marqué de son empreinte indélébile la chanson kabyle et algérienne, laissant derrière lui un héritage riche, poétique et universel.

Natif de Béjaïa, ce virtuose de la musique, du théâtre, du cinéma et de la peinture a su transcender les frontières culturelles et linguistiques, faisant vibrer les cœurs à travers ses mélodies envoûtantes et ses textes profonds.

Une vie dédiée à l’art et à l’humanisme

Né le 26 juillet 1947 à Ath Waghlis, sur les hauteurs de Sidi-Aïch dans la wilaya de Béjaïa, Djamel Allam grandit dans un environnement où la culture kabyle est omniprésente.
Très tôt, il se distingue par sa sensibilité artistique.
Après des études primaires, il abandonne l’école pour rejoindre, à l’indépendance de l’Algérie, le Conservatoire municipal de musique de Béjaïa. Sous la tutelle du maître Sadek El Bejaoui, il s’initie au chaâbi et à la musique andalouse, posant ainsi les bases de sa future carrière.
En 1969, il s’exile en France, où il s’installe à Marseille. Là, il décroche un emploi de machiniste dans un théâtre, une expérience qui lui ouvre les portes du monde artistique.
Ce poste, bien que modeste, lui permet de côtoyer des figures majeures de la chanson et du cinéma français, enrichissant son univers créatif.
C’est le début d’une aventure artistique qui s’étendra sur près de cinq décennies, marquée par une carrière prolifique en tant que chanteur, compositeur, acteur, dramaturge, peintre et même réalisateur.
De retour en Algérie, Djamel Allam s’engage comme animateur à la Chaîne III de la radio nationale.
En 1972, il fait ses premiers pas sur scène à la salle El Mouggar d’Alger, en première partie d’un spectacle d’Arezki et Brigitte Fontaine.
Cette première apparition marque le début de son ascension.
Deux ans plus tard, en 1974, il sort son premier album, Arjouth (Laissez-moi raconter), porté par le titre emblématique M’aradyoughal (Quand il reviendra). Ce morceau, d’une grande intensité poétique, rencontre un succès immédiat et devient un hymne intemporel pour des générations d’auditeurs.

Une œuvre universelle et plurielle

La discographie de Djamel Allam est un véritable kaléidoscope musical, mêlant habilement des sonorités traditionnelles kabyles à des influences modernes telles que le chaâbi, le rock, le gnawi et même la techno.
Ses chansons, interprétées en kabyle, en arabe populaire et en français, reflètent sa capacité à transcender les barrières culturelles et linguistiques. À travers des titres comme Argu (Les rêves du vent), Si Slimane, Salimo, Gibraltar, Samarkand, Gouraya,
Le youyou des anges, Ourtsrou (Ne pleure pas), Thiziri (La lune) ou encore Thella (Elle existe), il célèbre l’Algérie, ses paysages majestueux, ses montagnes imposantes et ses villes vibrantes.
Ses textes, portés par une voix mélodieuse et empreinte de douceur, sont une ode à la liberté, à l’amour, à la femme, à la justice et à l’humanisme. Ils expriment également ses espoirs, ses désillusions et sa quête incessante d’un monde meilleur.
Chaque note, chaque parole semble habitée par une profonde sincérité, un attachement viscéral à ses racines et une volonté de partage universel. Comme l’écrivain Tahar Djaout l’a si poétiquement décrit, Djamel Allam était un « oiseau minéral », symbole de sa quête insatiable de liberté et de son foisonnement artistique.

Un artiste complet
et un homme
de scène

Au-delà de la musique, Djamel Allam était un touche-à-tout de génie. Poète, il maniait les mots avec une finesse rare, transformant ses chansons en véritables récits poétiques. Acteur et dramaturge, il a exploré le théâtre et le cinéma, apportant sa sensibilité à chaque rôle.
Réalisateur, il a également signé des compositions symphoniques et des tableaux de peinture, témoignant de sa créativité débordante.
Cette polyvalence artistique, rare et précieuse, faisait de lui une figure unique dans le paysage culturel algérien.Sur scène, Djamel Allam se distinguait par son charisme et son humour. Il aimait partager des anecdotes tirées de sa propre vie, tissant un lien intime avec son public.
Avec une pointe d’ironie et une bonne dose de malice, il savait faire rire, émouvoir et entraîner son audience dans son univers musical. Ses concerts étaient des moments de communion, où la magie de sa voix et la profondeur de ses textes opéraient à chaque fois.

Une influence majeure et un lien avec Idir

L’histoire de Djamel Allam est intimement liée à celle d’une autre icône de la chanson kabyle, Idir, décédé en 2020. Les deux artistes, nés à deux ans d’intervalle, partageaient une vision commune de la musique comme vecteur d’universalité.
En 1974, alors qu’Idir s’apprête à offrir sa chanson Vava Inouva à Djamel Allam, ce dernier, dans un geste de générosité, l’encourage à l’interpréter lui-même.
« Cette chanson est la tienne, elle te mènera loin », lui aurait-il dit. Ce moment marque un tournant pour Idir, qui accède à une renommée mondiale grâce à ce titre.
Plus tard, Idir rendra hommage à Djamel Allam, le qualifiant de « précurseur » et reconnaissant l’impact décisif de ce dernier sur sa carrière.
Les trajectoires des deux hommes, bien que distinctes, se croisent à maintes reprises.
Ensemble, ils portent la chanson kabyle et algérienne moderne sur la scène internationale, jouant dans des salles prestigieuses aux quatre coins du globe.
Leur musique, ancrée dans la tradition tout en s’ouvrant à la modernité, devient un pont entre les cultures, un symbole de l’identité algérienne et de son universalité.

Un legs éternel

Sept ans après sa disparition, Djamel Allam continue de vivre à travers son œuvre. Comme l’a si justement déclaré Lounis Aït Menguellat, « son legs va parler pour lui pour l’éternité ».
Ses chansons, toujours diffusées à la radio, reprises par de jeunes artistes ou écoutées par des générations de fans, restent ancrées dans la mémoire collective.
Elles racontent une Algérie plurielle, riche de son histoire, de ses luttes et de ses espoirs.
Elles parlent aussi d’un homme qui, par sa voix et sa plume, a su toucher les cœurs et faire vibrer les âmes. Djamel Allam n’était pas seulement un chanteur, mais un véritable ambassadeur de la culture algérienne. Son amour pour son pays, sa capacité à mêler tradition et modernité, et son engagement pour un monde plus juste font de lui une figure immortelle.
À travers ses mélodies, il continue d’inspirer, de consoler et d’unir, prouvant que l’art, lorsqu’il est sincère, transcende le temps et les frontières.


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