Le premier trimestre de 2025 a révélé une dynamique contrastée dans le secteur industriel algérien, marquée par une performance remarquable du secteur privé et un recul significatif du secteur public. Selon un rapport récent de l’Office national des statistiques (ONS), consulté par les médias , les entreprises privées affichent une vitalité économique encourageante, tandis que les entreprises publiques peinent à surmonter des défis structurels.
Ce rapport, basé sur les avis des dirigeants d’entreprises industrielles, explore des dimensions non couvertes par les statistiques quantitatives traditionnelles, telles que la demande, la distribution, la main-d’œuvre, la trésorerie et l’état des équipements. Voici une analyse détaillée de ces tendances et de leurs implications pour l’économie algérienne.
Une performance éclatante du secteur privé
Le secteur industriel privé a marqué des points au premier trimestre 2025, avec un taux d’utilisation des capacités de production dépassant les 75 %, un seuil rarement atteint ces dernières années. Cette performance s’accompagne d’une augmentation notable du nombre de travailleurs et d’une hausse soutenue de la demande pour les produits manufacturés. Les dirigeants d’entreprises privées, interrogés dans le cadre de l’enquête, ont signalé une progression constante de l’activité par rapport au trimestre précédent, soulignant la capacité du secteur à répondre efficacement aux besoins du marché.
Cette dynamique s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord, les entreprises privées ont su optimiser leurs processus de production, tirant parti de leurs capacités pour répondre à une demande croissante. Ensuite, l’accès stable à l’eau et des interruptions électriques limitées à moins de six jours dans la plupart des cas ont permis de maintenir la continuité des opérations. Enfin, la stabilité des prix de vente, malgré la hausse de la demande, a renforcé la compétitivité des produits locaux sur le marché national.
Cependant, des défis subsistent. Environ 24 % des entreprises privées ont signalé des pénuries de matières premières, entraînant un épuisement des stocks pour 5 % d’entre elles, avec des réserves ne dépassant pas 10 jours. De plus, 21 % des entreprises ont rencontré des difficultés dans le transport de leurs produits, un obstacle qui, bien que gérable, pourrait freiner l’expansion de certaines activités. Malgré ces contraintes, le secteur privé a démontré une résilience remarquable, avec 39 % des entreprises ayant investi dans le renouvellement ou l’extension de leurs équipements pour soutenir la croissance.
Un secteur public
en difficulté
En contraste, le secteur industriel public a connu un recul marqué de son activité au cours du même trimestre. Le taux d’utilisation des capacités de production, bien qu’encore supérieur à 50 %, reste bien en deçà de celui du secteur privé. Ce déclin s’accompagne de difficultés structurelles, notamment des pannes techniques affectant 45 % des entreprises publiques, souvent dues à l’obsolescence des équipements ou à leur surutilisation. Ces interruptions, bien que limitées à six jours dans la plupart des cas, ont perturbé la continuité de la production.
Le recrutement constitue un autre point faible pour le secteur public, avec environ 25 % des entreprises signalant des difficultés à embaucher, en particulier pour des compétences spécialisées. Contrairement au secteur privé, qui a vu ses effectifs augmenter, le secteur public affiche une stagnation de la main-d’œuvre, limitant sa capacité à répondre à la demande croissante. De plus, 12 % des entreprises publiques ont subi des coupures d’électricité, bien que celles-ci n’aient pas excédé six jours, et l’approvisionnement en eau a été jugé satisfaisant par l’ensemble des répondants.
La situation financière des entreprises publiques reste également préoccupante. Plus de la moitié des dirigeants ont qualifié leur trésorerie de « normale », mais les retards dans le recouvrement des créances, la hausse des coûts et les obligations de remboursement des prêts pèsent lourdement. Seules 9 % des entreprises publiques ont eu recours à des prêts bancaires, un chiffre bien inférieur à celui du secteur privé (22 %), ce qui reflète une prudence ou des difficultés d’accès au financement.
Défis communs et
perspectives d’amélioration
Malgré leurs différences, les secteurs privé et public partagent certains défis, notamment en matière de recrutement et de modernisation. Plus de 30 % des entreprises privées et un quart des entreprises publiques ont signalé des difficultés à recruter des compétences rares, soulignant un déficit de main-d’œuvre qualifiée dans l’industrie algérienne. Les deux secteurs s’accordent également sur l’importance de moderniser les équipements pour accroître la production, plutôt que de se reposer uniquement sur l’augmentation des effectifs. Plus de 85 % des dirigeants interrogés estiment que l’amélioration des performances passe par l’investissement dans des technologies modernes, une priorité qui pourrait transformer le paysage industriel dans les années à venir.
Les pannes techniques, dues à l’obsolescence des équipements ou à leur surutilisation, ont affecté les deux secteurs, avec un impact plus marqué dans le public (45 %) que dans le privé (23 %). Cependant, les efforts de modernisation sont en cours, avec 27 % des entreprises publiques et 39 % des entreprises privées ayant renouvelé ou élargi leurs équipements. Ces investissements, combinés à une gestion rigoureuse des ressources, pourraient poser les bases d’une reprise durable.
Analyse sectorielle : des dynamiques contrastées
Mines et carrières :
un secteur en recul
Le secteur des mines et carrières a enregistré un déclin d’activité au premier trimestre 2025, avec un taux d’utilisation des capacités oscillant entre 50 et 75 %. Bien que l’approvisionnement en matières premières ait été suffisant, toutes les commandes n’ont pas pu être satisfaites, et les stocks sont restés dans les normes habituelles. Seuls 8 % des entreprises ont signalé des coupures d’électricité, un chiffre relativement bas. Les perspectives pour le deuxième trimestre restent prudentes, avec une légère amélioration attendue.
Industries sidérurgiques, mécaniques, électriques et électroniques :
des défis persistants
Ce secteur a connu un recul généralisé, marqué par un taux élevé de pannes techniques (45 %). Environ 68 % des entreprises ont qualifié leur situation financière de « normale », mais 30 % l’ont décrite comme mauvaise, reflétant des difficultés structurelles. Malgré ces défis, les perspectives pour le deuxième trimestre sont positives, avec une anticipation de reprise de l’activité et une amélioration de la trésorerie.
Matériaux de construction : une dynamique
prometteuse
Le secteur des matériaux de construction s’est distingué par un taux d’utilisation des capacités supérieur à 75 %, le plus élevé parmi tous les secteurs. La demande a fortement augmenté, accompagnée d’une légère hausse des effectifs. Cependant, 71 % des entreprises ont signalé des pannes techniques, bien que la productivité globale soit en progression. Les perspectives pour le deuxième trimestre sont encourageantes, avec une attente de croissance soutenue.
Industries chimiques :
un léger recul
Les industries chimiques ont enregistré une légère baisse d’activité, avec 25 % des entreprises confrontées à une pénurie de matières premières. Malgré cela, un quart des entreprises a maintenu une trésorerie saine, et les perspectives indiquent un rebond au prochain trimestre, porté par une amélioration attendue de l’approvisionnement.
Industries agroalimentaires : stabilité et potentiel
Ce secteur a maintenu une stabilité de l’activité, avec une augmentation notable de la demande. Cependant, 31 % des entreprises ont rencontré des difficultés de recrutement, en particulier pour les cadres. La majorité des dirigeants estiment que la modernisation des équipements est essentielle pour augmenter la production, une stratégie qui pourrait renforcer la compétitivité du secteur.
Textile et cuir : une montée en puissance
Le secteur du textile et du cuir a connu une hausse d’activité, avec une stabilité des effectifs. Les pannes techniques ont été fréquentes, mais certaines entreprises ont obtenu des prêts sans difficultés pour moderniser leurs équipements. La possibilité d’augmenter la production sans recrutement supplémentaire est un atout pour ce secteur, qui affiche des perspectives positives.
Secteur du bois : une croissance malgré les obstacles
Le secteur du bois a enregistré une activité croissante, malgré des problèmes d’approvisionnement en matières premières et de transport. La trésorerie, bien que qualifiée de normale, a été affectée par la hausse des coûts. Environ un tiers des entreprises ont eu recours à des prêts bancaires pour soutenir leurs investissements, avec des attentes d’amélioration au prochain trimestre.
Perspectives pour le deuxième trimestre 2025
Les entreprises, tant privées que publiques, anticipent une amélioration de la production, de la demande et de la main-d’œuvre au deuxième trimestre 2025. La trésorerie devrait également bénéficier d’une meilleure gestion des créances et d’un accès accru au financement. Les investissements dans la modernisation des équipements, déjà entamés par une part importante des entreprises, devraient jouer un rôle clé dans cette reprise. Cependant, les défis liés à l’approvisionnement en matières premières, au recrutement de compétences spécialisées et à la logistique nécessitent une attention particulière pour maintenir cette dynamique.
Une industrie à deux vitesses : défis et
opportunités
Le contraste entre le dynamisme du secteur privé et les difficultés du secteur public met en lumière les disparités structurelles de l’industrie algérienne. Le secteur privé, porté par une meilleure adaptation au marché et des investissements stratégiques, montre la voie vers une industrialisation plus compétitive. En revanche, le secteur public, freiné par l’obsolescence de ses équipements et des contraintes financières, doit accélérer ses réformes pour suivre le rythme.
Pour surmonter ces défis, plusieurs mesures s’imposent. Premièrement, l’État pourrait renforcer son soutien au secteur public à travers des programmes de modernisation et de formation, visant à combler le déficit en compétences spécialisées. Deuxièmement, des incitations fiscales et des facilités d’accès au financement pourraient encourager les investissements dans les équipements modernes, tant dans le privé que dans le public. Enfin, une amélioration de la logistique et de l’approvisionnement en matières premières est essentielle pour réduire les goulets d’étranglement qui freinent la production.
Vers une industrie algérienne plus résiliente
Le premier trimestre 2025 a révélé le potentiel de l’industrie algérienne, porté par un secteur privé dynamique et innovant. Cependant, les défis structurels du secteur public et les obstacles communs aux deux secteurs, tels que les pannes techniques et les difficultés de recrutement, appellent à une stratégie nationale concertée. En misant sur la modernisation des équipements, la formation de la main-d’œuvre et une gestion optimisée des ressources, l’Algérie peut transformer ces défis en opportunités pour bâtir une industrie plus compétitive et durable, capable de répondre aux besoins croissants de son économie et de sa population.