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Edition du 28 Juillet 2025



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La gestion des importations en Algérie :
entre prolongations, régularisations et nouvelles contraintes pour les opérateurs économiques
28 Juillet 2025

La gestion des importations constitue un pilier essentiel dans la politique économique de l’Algérie, pays qui cherche à conjuguer impératifs de souveraineté nationale, dynamisation de la production locale et intégration dans les flux commerciaux mondiaux.

L’année 2025 a été marquée par une série de mesures administratives, réglementaires et organisationnelles visant à encadrer plus strictement les opérations d’importation, dans un contexte de défis complexes engendrés par des blocages portuaires, des lenteurs administratives et une volonté affirmée de réduire la dépendance aux importations non stratégiques.
Face à cette situation, cinq ministères clés – le Commerce extérieur et la Promotion des exportations, le Commerce intérieur et la Régulation du marché, les Travaux publics et Infrastructures, l’Agriculture et la Pêche, ainsi que l’Industrie – ont coordonné leurs efforts pour clarifier les procédures, prolonger certains délais, tout en introduisant des contrôles plus stricts. Cette démarche collective vise à concilier fluidité des échanges et contrôle rigoureux, afin de renforcer la compétitivité nationale.

I. Le contexte des importations en Algérie : défis et enjeux
L’économie algérienne, historiquement dépendante des hydrocarbures, s’efforce de diversifier ses sources de croissance et d’améliorer son autosuffisance. Dans ce cadre, la gestion des importations est devenue un levier stratégique, visant à limiter les flux non justifiés, favoriser les industries nationales et encourager l’innovation locale.
Cependant, les pratiques d’importation en Algérie ont longtemps souffert de rigidités administratives, de procédures lourdes et parfois opaques, ainsi que d’un manque de coordination intersectorielle. Cela s’est traduit par des blocages fréquents dans les ports, un retard dans la livraison des marchandises, et une accumulation de stocks coûteux.
En 2025, ces problématiques ont atteint un point critique, nécessitant une intervention coordonnée des autorités pour garantir la fluidité des échanges tout en renforçant les mécanismes de contrôle. Le défi majeur reste d’équilibrer la nécessité de contrôler les flux pour protéger l’économie locale, tout en évitant d’entraver l’activité économique et l’accès aux biens indispensables.

II. Prolongation des délais et simplification des procédures : une réponse pragmatique
Face aux demandes pressantes des opérateurs économiques, le ministère du Commerce extérieur et de la Promotion des exportations a décidé de prolonger la date limite pour le dépôt des programmes prévisionnels d’importation pour le second semestre 2025, la repoussant du 31 juillet au 10 août.
Cette mesure vise à pallier les retards provoqués par les difficultés administratives et techniques rencontrées par de nombreuses entreprises. Elle témoigne d’une volonté pragmatique d’accompagner les opérateurs tout en maintenant un cadre réglementaire clair.
Par ailleurs, une procédure de régularisation électronique a été mise en place pour les marchandises déjà arrivées dans les ports avant le 24 juillet 2025 mais toujours bloquées. Les opérateurs doivent transmettre électroniquement leurs dossiers via une adresse mail dédiée, comprenant le registre de commerce, la facture finale, le certificat d’arrivée des marchandises, et la domiciliation bancaire lorsque disponible. Cette régularisation vise à désengorger les ports et à éviter les pertes économiques dues à l’immobilisation des stocks.

III. Des critères de validation plus stricts et une lutte renforcée contre la fraude
Le ministère des Travaux publics et Infrastructures a instauré des critères rigoureux pour la validation des programmes prévisionnels d’importation, en exigeant notamment la production d’un procès-verbal d’inspection réalisé par un huissier assermenté, confirmant la réalité et l’activité des entreprises concernées.
Cette exigence vise à éliminer les sociétés fictives ou les fausses déclarations, souvent utilisées pour détourner les quotas d’importation à des fins spéculatives ou frauduleuses. En s’assurant que les entreprises sont réellement actives sur le terrain, les autorités renforcent la traçabilité et la transparence des flux.

IV. Focus sur le secteur agricole : un cadre spécifique pour une filière stratégique
Le secteur agricole, vital pour la sécurité alimentaire nationale, bénéficie d’un cadre réglementaire spécifique. La direction agricole d’El Oued a précisé que les visas d’importation ne sont délivrés que pour les produits directement liés à l’activité agricole : matières premières animales destinées à la transformation, intrants pour la production d’aliments pour animaux, équipements exclusivement dédiés à la production agricole.
Certains produits, comme le lait en poudre, nécessitent des autorisations spécifiques, tandis que les équipements mobiles tels que les tracteurs sont soumis à des conditions particulières et réservés aux détenteurs de cartes professionnelles agricoles.
Cette régulation ciblée vise à préserver la cohérence du secteur, éviter les importations inutiles et encourager l’investissement local dans la production agricole.

V. La digitalisation et la transparence : vers une meilleure gouvernance commerciale
Le ministère du Commerce intérieur a imposé l’obligation pour les opérateurs d’importation de déposer un rapport détaillé sur leurs ventes et stocks du premier semestre 2025 via une plateforme numérique dédiée. Ce mécanisme vise à garantir la transparence, faciliter le suivi des flux et lutter contre la spéculation.
Les opérateurs ne respectant pas cette obligation s’exposent à la suspension de leur certificat de conformité, rendant impossible toute nouvelle importation. Cette politique s’inscrit dans une dynamique globale de modernisation des procédures commerciales, encourageant l’utilisation des outils digitaux pour simplifier et fiabiliser les échanges.
VI. Impacts économiques et sociaux des nouvelles mesures
L’ensemble des mesures prises par les ministères algériens, bien que contraignantes, s’inscrit dans une logique de redressement économique nécessaire. En encadrant plus strictement les importations, l’État vise à soutenir la production nationale et à réduire la fuite de devises, enjeu crucial pour un pays dépendant des recettes pétrolières.
Sur le plan social, ces mesures peuvent engendrer des tensions à court terme, notamment pour les entreprises dépendantes de fournitures importées et les consommateurs confrontés à une possible hausse des prix. Cependant, à moyen et long terme, l’objectif est de créer un tissu industriel et agricole plus autonome, générateur d’emplois locaux et de stabilité économique.
Selon des experts économiques, cette transition, si elle est bien accompagnée, pourra réduire la vulnérabilité de l’Algérie aux fluctuations des marchés internationaux et améliorer la résilience économique du pays.

VII. La comparaison internationale : quelles leçons pour l’Algérie ?
Plusieurs pays en développement ont traversé des phases similaires de régulation stricte des importations, avec des résultats variés. Par exemple, le Brésil dans les années 1980 a mis en place des barrières douanières et des quotas pour protéger son industrie naissante, mais a dû faire évoluer sa politique pour éviter l’isolement et stimuler la compétitivité.
D’autres nations, comme le Vietnam, ont adopté une approche plus progressive, combinant incitations à l’investissement local et ouverture contrôlée aux importations. L’expérience vietnamienne montre l’importance d’un cadre réglementaire transparent et d’un dialogue constant entre le secteur public et les acteurs économiques.
Pour l’Algérie, la leçon est claire : il faut éviter un protectionnisme rigide qui freinerait l’innovation et l’accès aux technologies, tout en garantissant que les importations répondent à de véritables besoins de développement.

VIII. Témoignages fictifs illustratifs des enjeux
Mohamed, directeur d’une PME agroalimentaire à Oran :
« Les nouvelles procédures compliquent un peu notre logistique, mais je comprends l’importance de réguler les importations pour protéger notre production locale. Le fait de pouvoir régulariser nos dossiers en ligne est un progrès, cela facilite la gestion administrative. »
Samira, agricultrice dans la wilaya de El Oued :
« Recevoir des équipements adaptés et contrôlés est essentiel pour nous. Les règles plus strictes évitent que des matériels inappropriés soient importés. Cela sécurise notre activité et nous aide à moderniser nos exploitations. »

IX. Perspectives stratégiques pour un modèle d’importation durable
L’Algérie est à un tournant stratégique dans la gestion de ses flux commerciaux. Les défis posés par la mondialisation, la nécessité de souveraineté économique, et les aspirations à une croissance durable imposent un équilibre subtil entre ouverture et protection.

Les prochaines étapes devraient inclure :
• Renforcement de la digitalisation, avec des plateformes intégrées de gestion des importations et des suivis en temps réel.
• Développement des capacités locales, notamment par la formation, l’innovation technologique et le soutien à la R&D dans les secteurs clés.
• Dialogue permanent entre les pouvoirs publics, les opérateurs économiques et la société civile pour adapter les règles aux réalités du terrain.
• Mise en place d’incitations ciblées, favorisant les importations stratégiques et les partenariats internationaux tout en décourageant les importations non essentielles.

Vers une économie algérienne plus autonome et compétitive
La politique récente de gestion des importations en Algérie, traduite par des mesures rigoureuses et concertées entre plusieurs ministères, illustre la volonté des autorités de sécuriser l’économie nationale tout en favorisant un développement Si les contraintes à court terme peuvent peser sur certains acteurs, la vision à moyen terme est celle d’une Algérie plus autonome, capable d’investir dans ses filières stratégiques, de créer de la valeur ajoutée locale et d’insérer ses produits sur les marchés internationaux.
Le succès de cette démarche dépendra largement de la capacité à maintenir un dialogue constructif avec tous les acteurs économiques et à adapter continuellement les politiques pour répondre aux évolutions rapides des marchés globaux.


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