Le Midi Libre - entretien - «La tuberculose n’a jamais disparu»
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Edition du 14 Décembre 2011



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Professeur Nour-Eddine Zidouni* au Midi Libre :
«La tuberculose n’a jamais disparu»
14 Décembre 2011

Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, le professeur Nour-Eddine Zidouni explique que la tuberculose n’a jamais disparue dans le monde et dans notre pays. L’Algérie fait donc partie des pays à prévalence moyenne. Ainsi la lutte contre le bacille de Koch continue grâce aux moyens thérapeutiques et l’amélioration des conditions de vie des sociétés à risque. En effet, ce spécialiste explique que la tuberculose est une maladie de la pauvreté.

Midi Libre : On parle en ce moment du retour de la tuberculose, comment expliquer cette recrudescence ?
Professeur Nour-Eddine Zidouni : Il n’y a eu ni aller ni retour. Le retour de la maladie, la réapparition, la recrudescence ne sont que des fantasmes proférés par des ignorants. Je mesure mes mots, ce sont des ignorants qui ne connaissent pas la maladie. Il faut qu’on arrête de dire ça. La tuberculose est une maladie infectieuse qui n’a jamais disparue de notre pays, elle est présente dans la plupart des pays du monde de manière plus ou moins importante.

Où sommes-nous situés par rapport à d’autre pays ?
Nous, nous sommes un pays à prévalence moyenne, nous ne sommes pas un pays où la maladie est une charge de morbidité ou un fardeau de santé publique. Nous sommes considérés comme les pays du Bassin méditerranéen, c’est-à-dire un pays à prévalence moyenne. Il faut arrêter avec cette légende qui prétend qu’il y a un retour de la maladie, ce n’est pas vrai, elle présente et suit l’évolution naturelle de la maladie qui est combattue, par des armes conventionnelles, c’est-à-dire une méthodologie qui associe un traitement et une surveillance.

On dit que le bacille de Koch a muté, qu’en pensez-vous?
Ça aussi, c’est une autre hérésie. On parle de multi-résistance, et la multi-résistance survient lorsqu’on traite mal les malades. Cela veut dire que la multi- résistance c’est l’impossibilité pour les antibiotiques usuels de détruire les bacilles. Effectivement c’est une mutation qui est causé par des traitements qui sont inappropriés ou mal conduits.

Est-ce que nous disposons justement de ces médicaments appropriés ?
Oui, on a des médicaments appropriés, certes nous avons rencontré quelques perturbations qui ont affecté les produits pharmaceutiques dans notre pays et ce n’est un secret pour personne. Mais nous avons tenté à chaque fois de parer au pire et de faire en sorte que ces perturbations n’entravent pas le bon déroulement du programme de lutte contre la maladie de la tuberculose.


On dit également que c’est une maladie qui frappe les populations pauvres, pourquoi…
Tout à fait, c’est une maladie de la pauvreté, parce que le bacille se transmet mieux. Par exemple lorsqu’il y a dix personne dans une pièce la maladie se transmet mieux que si il y en a qu’une seule ou deux. Et ensuite c’est une bactérie de type particulière qui est nocive lorsque les conditions de l’organisme se dégradent, par des mauvaises conditions de vie, par la pauvreté, qui dit pauvreté dit mal nutrition et une mauvaise réaction de défense de l’organisme vis-à-vis de ce genre de bactérie.

Est-ce une maladie qui est en progression en Algérie,
Non, au contraire avant, c’est-à-dire de 1996 jusqu’à 2005, lors de cette décennie, nous avons connu une guerre contre les civils dans notre pays pendant plus de 10 ans, il y a eu un déplacement des populations, il y a eu des saccages, des incendies, des structures de santé. Il y a eu une volonté délibérée de détruire le réseau sanitaire dans certaines régions du pays et donc nous avons payé les conséquences de ces actes néfastes par une nouvelle organisation sanitaire qui nous permet maintenant de récupérer tous les déficits que nous avons eus. Là je parle de la tuberculose et des maladies respiratoires. Ce qu’il faut comprendre également, c’est qu’il y a un accroissement naturel de la population et une répartition de la maladie en fonction de l’accroissement de la population. Maintenant la courbe tend à s’infléchir et à avoir une prévalence, c’est-à-dire un nombre de malades par rapport à la population qui est celui d’une situation d’une gravité mondiale. C’est pour la première fois qu’on est une population de 35 millions d’habitants. Lorsqu’on dit 20.000 par rapport à une population figée à 1.000.000 habitants comme en 1962, effectivement la situation aurait été différente, c’est-à-dire très grave. En tout état de cause, il ne faut pas baisser les bras.

Vous dites qu’il ne faut pas baisser les bras, cela veut-il dire qu’on peut éradiquer cette maladie ?
C’est une maladie de la pauvreté, de la proximité, lorsque les Algériens seront mieux nourris lorsqu’ils habiteront mieux, lorsqu’ils ne souffriront pas du froid, lorsque dans les zones rurales les conditions de vies seront meilleures, et bien cette maladie va disparaître grâce à l’effet combiné du développent et de la prise en charge thérapeutique.

Mais souvent on entend des alertes comme quoi la maladie est de retour, comment expliquer cela ?
Ce n’est pas un hasard, en 1945, lors de la 2e Guerre Mondiale la tuberculose était un fléau en Europe, car à cette époque, beaucoup de pays européens ont eu une très mauvaise politique de santé concernant la lutte contre la tuberculose et pour preuve, on voit des alertes qui sont totalement incompréhensives de nos voisins du nord de la Méditerranée, mais l’effet du développement a été un facteur clé dans la réussite de l’infléchissement de la courbe de la prévalence de la maladie.

Est-ce qu’on a pris des
mesures de prévention ?
Oui, les mesures de prévention font partie intégrante du programme. La mesure de prévention, c’est de surveiller le traitement du malade et de faire un dépistage, c’est-à-dire des examens cliniques et radiologiques dans l’entourage du malade.

Quels sont les signes cliniques de cette pathologie ?
Les signes sont plutôt banals, une toux prolongée, qui ressemble à une grippe. Mais ce qui doit alarmer le malade, ce sont les crachats qui commencent à être striés de sang ;

Quel est le taux de mortalité de la tuberculose en Algérie ?
Le taux de mortalité est d’environ 3%, quel que soit le traitement,
quelle que soit la précocité dont on peut agir envers cette maladie. Cependant, ce qui nous gêne, ce n’est pas tellement le taux de mortalité. Ce qui gêne et est parfois difficile, mais ceci est fait, néanmoins, c’est de ramener le malade à la guérison, c’est ça l’acte préventif majeur.

Pourquoi donc est-ce difficile de ramener le malade à la guérison totale ?
Parce qu’il faut briser la chaîne de transmission, tous les bacilles qui sont présents dans l’atmosphère projetés par la toux des malades doivent être brisés et la seule façon d’y arriver est de prendre en charge le malade en lui administrant un traitement de six mois.

Est-ce qu’on risque une épidémie ?
La tuberculose n’est pas une maladie à caractère épidémique, car le bacille se multiplie lentement il n’y a jamais eu d’épidémie en Algérie sauf dans des cas particuliers lors des deux Guerres Mondiales.

*Professeur en médecine, chef de service en pneumo-phtisiologie
a l’hôpital de Beni Messous,
Membre titulaire de l’Union internationale des maladies
respiratoires et de la tuberculose
Expert de la région Afrique de l’OMS pour la lutte contre la
tuberculose et les maladies
respiratoires.

Par : Ourida Ait Ali

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