Ce rouquin à la silhouette élancée, à l’élégance raffinée et à la présence affirmée, aurait parfaitement pu s’essayer à une carrière d’acteur ou de chanteur «branché», mais il a choisi le chant mystique plutôt que le jazz rock, le raï ou d’autres musiques en vogue.
«Dieu m’a honoré d’un don d’artiste ; j’espère pouvoir l’en remercier en mettant ma voix au service du medh et du chant mystique», dit-il simplement en guise d’explication de son penchant pour ce genre de chant religieux.
Abdeldjalil Akhrouf, qui a découvert très tôt sa vocation, est aujourd’hui reconnu comme l’un des meilleurs interprètes de l’inchad, non seulement sur la scène de Constantine mais à l’échelle nationale également, et même au-delà des frontières nationales.
Déjà enfant, il avait été invité à chanter avec Wadie Essafi et Sabah Fakhri lors de leur passage à Constantine au début de la décennie 1980. Plus tard, tout auréolé d’un prestige naissant, il a été invité à monter sur scène avec Lotfi Bouchenak et avec le mounchid marocain Rachid Ghoulam lors du festival de l’inchad dont la 1re édition s’est déroulée l’année dernière à Constantine.
C’est, également, lui qui a été choisi pour représenter l’Est algérien dans la délégation «El Djazair el Beidha» (Blanche Algérie), formée de quatre membres issus des 4 régions du pays pour représenter l’Algérie à la fameuse émission de la télévision émiratie «Mounchidou echariqa» dans son édition de septembre 2010.
La troupe «Raoudatou El habib» qu’il avait mise sur pied en 2000 commence à se faire une place au soleil et à faire des enregistrements sur CD mais aussi des enregistrements pour la chaine du Coran de la Télévision nationale.
Abdeldjalil, qui se dit adepte de la «grande qacida sérieuse» est à la recherche d’un musicien qui serait à même de l’aider à franchir ce pas. C’est presque fait puisqu’un projet dans ce sens est en cours de maturation avec Samir Boukredera, le chef de l’orchestre régional de la musique malouf de Constantine.
«J’espère pouvoir faire quelque chose de nouveau avec lui, car il est très important pour un artiste qui se respecte de chanter de nouvelles musiques et de ne pas se confiner à des reprises de chansons patrimoniales même si chaque artiste lui imprime son cachet et son style.»
Comme pour beaucoup de ses pairs, Abdeldjalil souffre de ce qu’il qualifie de «pauvreté» de la scène artistique dans le pays de manière générale et à Constantine en particulier. «La rareté des musiciens compositeurs pouvant amener le chanteur à aller au fond de ses potentialités est un problème majeur qui freine l’élan de l’artiste et l’empêche d’atteindre l’universalité. Je suis sûr que si l’Algérie se donnait la peine de faire venir ici de grands maîtres de la musique qui enseignent et s’occupent des jeunes talents, notre pays pourrait concurrencer bien des pays arabes et méditerranéens en matière artistique, car nous avons la chance d’avoir un patrimoine très riche et diversifié qui ne demande qu’à être travaillé et mis en valeur», a-t-il estimé.
L’autre problème qui agace Abdeljalil, comme beaucoup de ses pairs également, est l’absence de la culture de spectacle dans le pays : «Je viens de donner un concert qui aurait pu rassembler trois plus de public que celui qui vient d’assister. Il aurait suffi que les organisateurs accordent un peu plus d’importance à l’information et à la promotion, comme la norme l’exige, mais, et c’est bien dommage. Ici, on a l’impression que les artistes sont invités pour juste remplir une programmation.»
Critique mais non amer ou résigné, Abdeldjalil Akhrouf, a décidé, cette année, «à partir du 1er janvier 2012», de passer au professionnalisme, pour consacrer plus de temps et d’énergie à son art et à sa vocation qui ne fait que s’affirmer et se confirmer dans son esprit et sans doute aussi aux yeux de ceux qui ont l’occasion d’admirer son talent.