De nombreuses familles des zones rurales de Khenchela célèbrent encore, dans la plus pure tradition chaouie, l’avènement de "Rabie laârab" (littéralement printemps des arabes), coïncidant avec le début du mois de mars.

«Nous fêtons dans la région le printemps à n’importe quel jour de mars mais la préférence demeure pour la première décade de ce mois», affirme M. Laâroussi, un citoyen participant aux cérémonies organisées à cette occasion par l’association de protection du patrimoine de la commune de Khirane, située dans l’extrême sud de cette wilaya des Aurès. "Maître" des saisons de l’année, le printemps est aussi fêté, affirme-t-il, par la préparation de certains mets et pâtisseries locaaux, particulièrement la chakhchoukha, Ezzeriga, Dechicha, El-Mermouch, R’fiss Ziraoui et Labradj. Des préparations ayant en commun le beurre, le miel, les raisins secs, l’eau de rose, en plus de la semoule de blé dur ou d’orge. Le festin offert durant "Rabie laârab" réunit les membres de la famille ainsi que les amis, des proches et des voisins pour un dîner convivial qui se poursuit par des veillées que l’on prolonge autour de tasses de thé à la menthe. Dans la journée, les ménagères engagent un grand remue-ménage marqué particulièrement par le nettoyage des feux de la maison en se débarrassant des vieilles cendres et en sortant les pièces de vaisselle les plus neuves avant d’entamer la préparation des gâteaux et plats de la soirée. Le but des ces pratiques est surtout de "chasser le mauvais œil", note M. Laaroussi qui admet toutefois que ces croyances n’ont plus aucune emprise sur les gens d’aujourd’hui, estimant que c’est "un peu dommage" au regard de leur côté "ingénu" qui témoigne d’une "saine naïveté" (niya). Ce cérémonial est toujours observé dans cette région en tant que patrimoine traditionnel, même en zones urbaines où la préparation de Labraj, gâteau traditionnel à base de datte écrasée, demeure incontournable en ce moment de l’année. Pour les plus âgés, le premier jour de "Rabie laârab" coïncide avec les "premiers signes de clémence du climat qui commence à s’adoucir à vue d’œil". Le jour s’étire, la neige commence à fondre sur les cimes des montagnes et la nature se revêt petit à petit de son tapis vert. C’est aussi la saison de la reproduction pour la faune de la région, rappelle Bachir Bouderhem (88 ans), originaire d’El-Hamma. De leur côté, les agriculteurs commencent à mettre en terre les nouveaux plants de leurs vergers arboricoles, débarrassent leurs champs des mauvaises herbes et surveillent de près les bêtes de ferme mettant bas. Ils entretiennent aussi les ruches pour empêcher la migration de leurs essaims. Partout la vie renaît en ces moments.