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Pr Malika Bouali-Benhalima, chef du service immunologie au CHU Mustapha, au Midi Libre
Le don d’organes reste tabou en Algérie
12 Mai 2010

Pr Malika Bouali Benhalima, chef de service immunologie au CHU de l’hôpital Mustapha, ancienne élève du professeur J. Dausset (Prix Nobel de médecine en 1980 pour sa découverte du système HLA), répond à nos questions relatives à la prise en charge de l’insuffisance rénale parvenue à son stade terminal (IRCT) par transplantation rénale qui reste faible dans notre pays, puisqu’elle ne constitue, à ce jour, qu’1% du traitement de l’IRCT. Avec amabilité et courtoisie, car passionnée par son travail qu’elle pratique comme un sacerdoce, notre médecin explique comment on peut prévenir le risque de rejet du greffon et arriver à greffer en toute sécurité le maximum de patients.

Midi Libre : C‘est quoi une insuffisance rénale ?
Pr Malika Bouali-Benhalima : Les reins servent à épurer le sang. Les déchets sont éliminés dans les urines.
Il existe des maladies qui peuvent bloquer définitivement le fonctionnement des reins. Le sang n‘est plus nettoyé. Les déchets s‘accumulent dans le sang. On parle alors d‘insuffisance rénale chronique. L‘insuffisance rénale (IRC ) parvenue à son stade terminal (IRCT) correspond à une défaillance irréversible du rein.

Peut-on traiter l‘IRCT ?
La prise en charge de l‘IRCT nécessite l‘utilisation d‘une méthode de suppléance. L‘épuration extra-rénale repose sur une technique d‘hémodialyse par un rein artificiel ou dialyse péritonéale. Ces techniques représentent un traitement d‘attente à la greffe et permettent de maintenir le patient en vie, mais pas de guérir de l‘IRCT.
La transplantation ou greffe rénale consiste en l‘utilisation d‘un rein sain d‘un autre individu pour suppléer la perte chronique de la fonction rénale.
Associée à une amélioration de la qualité de vie des patients par rapport à la dialyse, la TR constitue une thérapeutique de choix de l‘IRCT

Quelle place occupent ces differentes méthodes de suppléance en Algérie ?
L‘IRCT représente un problème majeur de santé publique dans notre pays. A la fin de l‘année 2009, cette incidence était estimée à 100 nouveaux cas/million d‘habitants/an, soit environ 3 mille nouveaux cas par an. La prise en charge de l‘IRC par hémodialyse a débuté en 1973 à Alger. Les premières séances de dialyse péritonéale ont démarré en 1980. Le traitement substitutif par transplantation rénale a débuté le 14 juin 1986.
Actuellement, il existe 270 centres d‘hémodialyse, dont 110 privés et 15 centres de dialyse péritonéale continue ambulatoire. La prise en charge de l‘IRCT par hémodialyse, dialyse péritonéale et transplantation représente, respectivement, 95%, 4% et 1% .

A quel type de donneurs faites-vous appel pour la transplantation ?
D‘une façon générale, la TR fait appel à un donneur en état de mort encéphalique ou à un donneur vivant qui peut être apparenté (DVA) ou non apparenté au receveur.
La transplantation par un rein d‘un donneur en état de mort encéphalique représente l‘essentiel de l‘activité dans de nombreux pays. Cette thérapeutique est confrontée à la pénurie du don d‘organes.

Fait-on appel au donneur en état de mort encéphalique en Algérie ?
Chez nous, malgré la tenue à Alger en 1985 d‘un symposium réunissant des légistes, des religieux et des équipes médicales pluridisciplinaires qui à l‘issue de leurs travaux ont autorisé le prélèvement d‘organes à partir du coma dépassé (loi 85-05 du 16 février 1985), les activités de prélèvement sur cadavre restent difficiles à promouvoir. En attendant de créer et de développer un programme de greffe à partir du rein d‘un donneur en état de mort encéphalique, la transplantation rénale à partir du DVA constituait, jusqu‘au 30 mars 2009 où deux transplantions ont été réalisées à Blida, 100% de l‘activité de greffe dans les centres de transplantation opérationnels.

Vous faites recours au DVA pour le prélèvement. Que dit la loi ?
La loi du 85-05 du 16 février 1985 autorise de recourir au DVA choisi au sein de la famille du patient. Le donneur doit être un ascendant direct (père ou mère) ou un collatéral direct (frère, sœur) ou un descendant direct (fils, fille). Le prélèvement doit se faire sur personnes vivantes non malades et ne doit pas mettre la vie du donneur en danger. Le consentement doit être libre et éclairé.

Y a-t-il des risques pour le donneur ?
La préparation du donneur passe par l‘information sur les risques auxquels il est exposé. Ces risques sont actuellement infimes. Le risque de décès reste faible.
Chaque donneur fait l‘objet d‘examens destinés à écarter une anomalie de la fonction rénale, de l‘appareil urinaire, du lit vasculaire (artériographie rénale) et la recherche des anticorps anti-viraux pour éliminer une maladie transmissible.

Les donneurs sont-ils favorables au don ?
La greffe à partir de DVA reste une alternative intéressante dans notre pays car les fratries sont grandes, donc avec beaucoup plus de chance d‘avoir une compatibilité HLA complète avec le receveur. De plus, la solidarité et l‘affection intra- familiale qui caractérisent notre population font qu‘actuellement il n‘y a pas de pénurie d‘organes. Au vu de notre expérience, on note un nombre important de donneurs potentiels et de couples qui attendent la greffe.

Quel bilan doit-on faire avant toute greffe chez le receveur ?
Durant la période de préparation et d‘attente de la TR, le receveur bénéficie d‘une évaluation —préparation visant à prévenir le risque de rejet, infectieux, cardiovasculaire et chirurgical pouvant compliquer la greffe.

A quoi est lié le risque rejet de greffe ?
Les surfaces de nos cellules expriment des antigènes HLA (Human Leucocyte Antigen) ou antigènes majeurs d‘histocompatibilité qui régulent la capacité d‘accepter ou de rejeter des greffes. Ces antigènes HLA sont très variés et différents d‘un individu à un autre.
Ce qui signifie que la probabilité que deux individus non apparentés soient HLA identiques est exceptionnelle. En situation de greffe, le receveur reconnaît sur les cellules du greffon un HLA «autre».
Cela explique que les incompatibilités HLA entre le donneur et le receveur vont stimuler la réaction de rejet immunologique du receveur qui aboutit en l‘absence d‘un traitement anti-rejet à la perte de l‘organe transplanté.

Vous êtes professeur chef du service immunologie du CHU Mustapha, quelle est votre place dans l‘activité de transplantation rénale ?
Le service que je dirige a un rôle déterminant dans la préparation des receveurs et des donneurs, dans la décision de l‘intervention chirurgicale et dans le suivi du patient transplanté. Il coopère avec tous les centres de dialyse et de transplantation du territoire national. Il assure les tests de compatibilité tissulaire qui vont permettre ou non l‘attribution du greffon.
Avant la greffe sont pratiqués :
- Le typage HLA du receveur. Dans la transplantation rénale à partir du donneur vivant apparenté (DVA), le meilleur donneur est le frère ou la sœur HLA génoidentique. En situation de transplantation rénale à partir d‘un donneur en état de mort encéphalique, le risque de rejet est proportionnel au nombre d‘incompatibilité HLA entre le donneur et le receveur.
- Le suivi des futurs greffés par la recherche et l‘identification des anticorps anti HLA développés, suite à des transfusions répétées, des grossesses ou une greffe antérieure incompatible.
- Juste avant la greffe, sont pratiqués le typage HLA du donneur et l‘épreuve de cross-match entre lymphocytes du donneur et sérum(s) du receveur collectés tout au long du suivi immunologique et du sérum du jour de la greffe. Le cross-match pré-transplantation représente l‘épreuve ultime de compatibilité. Un cross-match positif contre-indique formellement la transplantation rénale et la transplantation combinée rein-pancréas. Il est fortement corrélé avec le développement d‘un rejet hyper-aigu.

Sur quel critère immunologique de base se fait la sélection du receveur ?
Pour résumer, la greffe se fait sur la base d‘une compatibilité pour le groupe sanguin ABO entre le donneur et le receveur, d‘un cross-match négatif et d‘une compatibilité HLA aussi proche possible. Les deux premiers paramètres étant impératifs.
Une bonne compatibilité HLA entre donneur et receveur va augmenter la survie à long terme du greffon et réduire très fortement le risque de rejet.

Après la TR, le patient doit-il prendre un traitement immunosuppresseur à vie ?
Le donneur et le receveur étant génétiquement différents, la réussite de la greffe va dépendre du degré de compatibilité HLA, comme nous venons de le dire, entre les deux personnes concernées mais également de l‘efficacité du traitement immunosuppresseur mis en place visant à prévenir le rejet.
Le patient bénéficie, donc, après la TR d‘un suivi régulier pour adapter le traitement immunosuppresseur, prévenir ou diagnostiquer les complications immunologiques, infectieuses, tumorales et cardiovasculaires qui peuvent survenir et imputables à ce traitement.
La prévention, le diagnostic et le traitement des rejets et des infections ont contribué à l‘augmentation de la survie du greffon et des patients.

Un dernier mot…
En 24 ans, des acquis importants sont notés en matière de transplantation rénale en Algérie. La réalisation pratique du geste opératoire est conduite de façon courante. Il faut, donc, poursuivre et développer la transplantation rénale à partir d‘un donneur vivant, en étendant les donneurs au conjoint et la famille élargie du receveur et introduire en parallèle un programme de transplantation à partir du donneur en état de mort encéphalique. Pour cela, il est nécessaire :
- de préparer le receveur et le donneur d‘une façon rigoureuse et étudier le dossier médical avec une équipe pluridisciplinaire ;
- d‘analyser les problèmes rencontrés dans le cadre du fonctionnement des différents centres de greffes ;
- d‘établir un fichier national des IRCT, préalable à toute TR à partir de rein de cadavre ;
- de former des équipes algériennes de greffe pour une meilleure couverture au plan national en vue de transplanter le maximum de patients.

Par : Ourida Ait Ali

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