«Nous sommes en 2007, ma lettre est sans intérêt, voire obsolète. La loi n’enchaine plus les femmes de ton pays et tous les tabous sont enfin brisés. J’ouvre les yeux. Rien n’a changé. L’Etat de tes vingt ans ressemble à tous ceux que j’ai connus en 1963, en 1984, en 2005. il répète comme ses prédécesseurs : «en matière de droit de la famille, la loi doit tenir compte des mentalités, de la spécificités de la société et de différentes sensibilités» ou encore «l’algérienne a acquis tous ses droits en participant à la guerre de libération». Pourquoi ce défaitisme et ce pessimisme penseras-tu ? Comment ne pas nourrir de sérieux doutes sur ton avenir fillette, lorsqu’après un combat de vingt années, les résistances au code de la famille ont obtenu de modiques et ridicules amendements ? Aménagement de l’ordonnance du 24 février 2005 qualifiés de «pas gigantesque» et «d’avancée notable pour les femmes» ! Quel sort, prunelle de mes yeux, te sera-t-il donc réservé, toi, que je ne peux même pas imaginer soumise à la «loi» d’un époux répudiateur ou bigame ?»,
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«Le temps presse, fillette, et il est même déjà trop tard. Mais entretenant sciemment la confusion entre «fiqh» et «châ’ria», rois et présidents des pays arabes brandissent celle-ci dès qu’il leur faut conduire femmes et enfants à l’autel du sacrifice. Ils refusent de sortir du carcan législatif vieux de quatorze siècles. Pour quelles raisons décréter alors que la constitution reconnaît aux deux sexes les mêmes droits (constitution de 1996) lorsque des inégalités demeurent en matière d’héritage, de conclusion ou de rupture du contrat de mariage ou encore durant la vie conjugale ?»,
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«Je t’apprendrai à aimer et non à haïr.
Je t’apprendrai à respecter tes ainés sauf s’ils ne le méritent pas. (…)
Je t’apprendrai à toujours profiter de l’instant présent.
Je t’apprendrai à ne jamais penser que les choses sont accessibles.
Je t’appendrai à oser; ainsi les trouveras-tu accessibles.
Je t’apprendrai que le goût de l’avenir passe par la certitude joyeuse que les catastrophes ne sont pas programmées, que le futur est entre tes mains, que les regrets sont des poisons aux effets lents.»,
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