M. Khettab Senouci Rabie est licencié en sciences commerciales, option gestion, âgé de 30 ans, reconverti en meunier. Responsable des ventes et de la communication à la minoterie de Mostaganem, il nous parle de son activité, de ses projets et de ses souhaits. Ce que nous propose M. Khettab est fort intéressant au double plan, économique et santé. En effet, vu notre large consommation de pain, l’Algérie gagnerait beaucoup plus en produisant d’autres céréales, car à 171 dollars la tonne de blé, le calcul est vite fait. Sur le plan santé, il préconise de réorienter nos habitudes de consommation. En effet, le pain blanc est pauvre en vitamines et les améliorants chimiques additifs utilisés sont plus que douteux. La consommation de seigle et d’orge est plus que conseillée compte tenu de leurs vertus nutritives et leur pouvoir de prévention des maladies telles que le cancer et le diabète. Notre meunier Senouci ainsi que toute l’équipe dirigée par M. Djillani Kobibi Ali, superviseur, qui travaille sous le slogan : «Un retour aux sources », se déplace chaque mois pour consulter les différents clients et pour en repêcher d’autres, tout en assurant également une formation sur site gratuitement. Notons que pour le Mondial du pain 2009, cette équipe a décroché la 3e place dans le pain nutritionnel, spécialité pain nutrition, sur 12 pays qualifiés à la phase finale, et la 6e place mondiale en final de "Boulangerie viennoiserie". Cette année, le Salon international de Djazagro 2010 pour l’agro-alimentaire se tiendra du 12 au 15 avril à Alger. Ce rendez-vous offre ainsi l’opportunité à notre équipe de meuniers d’être présente auprès des professionnels et de favoriser les rencontres avec les industriels boulangers algériens. Plus de détails avec M. Khettab Senouci Rabie, chargé de la communication de la minoterie de Mostaganem, qui a bien voulu nous accorder cet entretien.
Midi Libre : A quand remonte la minoterie Sidi Bendhiba de Mostaganem ?
Mr. Khettab Senouci Rabie : La minoterie Sidi Bendhiba a été le quatrième investisseur à s’implanter dans le créneau ouvert au privé en 1998. Elle compte parmi les pionniers de la minoterie en Algérie.
Nous avons opté pour la diversification de notre produit, c’est-à-dire mettre au point une gamme de farine prête à l’emploi destinée aux artisans boulangers pour panifier des pains traditionnels et spéciaux (pain complet, pain d’orge, pain de son, pain de seigl,e pain de campagne ect.).
Pour cela, avez-vous formé des ouvriers boulangers ?
Une fois que nous avons maîtrisé la fabrication de tous ces nouveaux produits, un problème de taille a surgi, à savoir le manque d’information et de professionnalisme de beaucoup de boulangers pour cette gamme de farine. Pour parer à cette défaillance, nous avons mis en place un système de communication approprié et, notamment, un programme de formation pour les ouvriers boulangers et les apprentis boulangers et ce, en partenariat avec les centres de formation professionnels.
Les différents cycles de formation ont été encadrés par des formateurs français déplacés pour de longues périodes. Aussi, nous avons investi pour la création d’un centre de formation au sein même de notre minoterie équipé d’un fournil d’essai qui répond aux besoins et aux différentes conditions de travail des artisans boulangers, avec une équipe professionnelle dans le domaine de la rénovation de traditions boulangers
Avez-vous organisé des concours des meilleurs boulangers après ces formations ?
En effet, en 2006, nous avons organisé, en collaboration avec l’Union algérienne des boulangers, présidée par M. Maâmar Hantour, et sous le parrainage de Monsieur le ministre de la Formation professionnelle, le premier concours national des meilleurs boulangers ayant pour objectif le développement du professionnalisme et la transformation des pains offerts à la vente dans l’intérêt des boulangers et des consommateurs. Après le succès qu’a connu ce concours, on n’a pris part au Mondial du pain organisé à Lyon (France) en 2009 par Europain. L’Algérie a été représentée par MM. Chagra Tayeb et Ben Smain et on a réussi à décrocher la 3e place.
Actuellement, notre minoterie atteint une capacité de production de 3.500 qx/j, dont :
-700 qx de farine ménagère ;
-2 mille qx de farine panifiable ;
-800 qx de farine spéciale prête à l’emploi.
Quelles sont les farines que vous utilisez ?
La minoterie Sidi Bendhiba est spécialisée dans la production d’une gamme de farine prête à l’emploi pour la panification de pains spéciaux sous le label «Frena». Ses farines sont : mie, complet, campagne, son, orge, tradition, nutrisina, baguette mixte, baguette plus. Nos farines sont intégrales de blé, d’orge, seigle, maïs, soja… associées aux grains de sésame, nigel, tournesol, lin, pin, carroube, coriandre, persil, piment et autres herbes aromatiques telles que le romarin, le thym et le laurier, qui sont riches en vitamines A, B1, B2, B3, B5, B9 ,C ,E et K en oligo-éléments et sels minéraux, calcium, sodium, fer, cuivre, zinc, chlore, magnésium…
Pouvez-vous nous citer les vertus de chacune de ces farines ?
Farine de seigle «pain de seigle» : Sa valeur nutritive et sa bonne conservation font que les nutritionnistes recommandent le pain de seigle pour le régime alimentaire grâce à sa richesse en fibres, en vitamines et sels minéraux puisqu’elle contient moins de sucre.
Elle lutte contre le diabète et l’hypertension et diminue les risques contre le concert.
Farine d’orge «pain d’orge» : la richesse de l’orge en vitamine B12 favorise la formation des globules rouges et participe à l’équilibre du système nerveux, lutte contre le diabète et les troubles intestinaux.
Farine de son «pain de son » : riche en fibres, elle est recommandée par les spécialistes de la santé contre les problèmes de transit intestinal, de diabète, de cancer, il donne du tonus pour un bon début de journée.
Farine complète «pain complet» : elle est recommandée pour lutter contre l’excès de cholestérol et pour activer le transit intestinal.
Farine nutrisina «pain nutrisina» : elle joue un rôle important pour le système nerveux et contre les réactions allergiques et inflammatoires ainsi que les migraines, les problèmes respiratoires, rénaux et le foie.
Farine campagne «pain de campagne» : pain d’un goût apétissant, bonne conservation qui rappelle le pain paysan cuit à la ferme et aussi une solution pour les problèmes d’hypertension, diabète, puisque cette farine est un aliment complet et énergétique.
Presque toutes les farines noires sont recommandées par nos divers clients, conscients des vertus qu’elles apportent à notre santé. En effet, elles sont l’allié inconditionnel de la santé. Ces farines constituent une meilleure prévention contre les maladies cardiovasculaires, gastriques, intestinales, constipation, l’anémie, le diabète, la tension artérielle, le stress et les allergies.
Avez-vous lancé une campagne de sensibilisation pour faire connaître aux consommateurs ces vertus que vous venez d’énumérer ?
Une campagne de sensibilisation pour vanter les vertus des farines intégrales a déjà été lancée. Le président du groupe Sidi Ben Dhiba, M. Djilani Koubibi Bachir en l’occurrence, avance l’argument de la santé des consommateurs algériens. "Il est vrai que les pains spéciaux sont un peu chers. Mais ce qu’on dépense en plus sur le pain, on le gagne en santé et en économie", argumente-t-il. Et d’ajouter : "Le consommateur algérien est mal informé sur les risques du pain blanc." Le pain blanc serait de mauvaise qualité, d’après M. Kobibi Bachir, du fait que dans la fabrication de la farine blanche l’enveloppe de la graine est rejetée et que 40 à 45% des éléments nécessaires sur le plan nutritionnel sont perdus. "Les données scientifiques montrent que la partie du grain de blé la plus riche en sels minéraux, vitamines et fibres se trouve justement dans l’enveloppe externe du grain", souligne-t-il. La fabrication du pain blanc nécessite également des additifs chimiques ou améliorants ainsi qu’une importante quantité de levure. "Nous ne savons pas, en fait, ce que nous utilisons comme améliorants, vu que notre marché est une vraie passoire. On en fait même une affaire d’identité nationale. Pourquoi les Marocains consomment les pains des traditions marocaines alors que nous, nous insistons à ne consommer que la baguette française ? Notre identité est en jeu", assène-t-il... C’est pour cette raison que M. Djilani Koubibi Bachir a investi sur le mode de la communication en organisant des journées d’information à ce propos, ayant pour slogan : «Un retour aux sources».
Pour cela, notre organisme veille toujours pour être présent aux différentes manifestations économiques dont, par exemple, le Salon international de DJAZAGRO pour l’agro-alimentaire où ce dernier nous donne l’opportunité d’être présent auprès des professionnels et de favoriser les rencontres avec les industriels boulangers algériens.
La production est-elle suffisante par rapport à la demande ?
La consommation moyenne quotidienne nationale de pain dépasse 500 grammes par jour et par habitant. Près de 15 mille boulangers et plus de 300 meuniers répondent à cette demande. Les besoins en blé tendre représentent ainsi un peu plus de 5 millions de tonnes par an. Des minotiers affirment que l’Algérie n’a pas d’importants stocks de blé. En cas de crise, le pays serait dans l’embarras. Pour mieux affronter la crise du blé, M. Kobibi estime qu’au lieu d’importer le blé à raison de 171 dollars la tonne, l’on devrait doubler la mise des fellahs pour qu’ils puissent travailler. La défaillance viendrait, selon eux, d’un manque d’anticipation. Suivant la demande des clients, ses farines se fonts rares vis-à-vis de la culture du consommateur, car ce dernier est habitué à la consommation du pain blanc, un pain fabriqué à partir d’une farine de type 55, une farine pauvre en vitamines, sels minéraux et fibres. Ces pains sont subventionnés par l’état, fixés par l’Etat à 8 DA la baguette ; c’est l’équivalent de 7 centimes d’euro. Cela n’encourage pas le consommateur à demander les pains spéciaux qui se vendent à partir de 20 DA jusqu’à 40 DA.
Projetez-vous de lancer une nouvelle gamme de farine ?
On travaille actuellement sur le lancement d’une nouvelle gamme de farine qui sera une innovation pour les consommateurs algériens ainsi que pour notre marché sous le nom de Frena semoule, Frena oméga 3 et Frena viennoiserie.
Quelles sont vos sources d’approvisionnement ?
S’agissant d’un produit stratégique pour la couverture de la demande nationale et vu les insuffisances de la production des céréales en Algérie, l’importation, le stockage et la distribution sont confiés à l’OAIC, donc les minoteries sont approvisionnées directement par cet organisme. Cependant, il serait préférable d’encourager la production des différentes céréales algériennes qui conviennent parfaitement à la panification des pains spéciaux pour plusieurs raisons.
Sa valeur nutritionnelle : Ce sont des céréales qui ne demandent pas des équipements trop perfectionnés pour la mouture.
La diminution du volume d’importation ce qui va permettre de faire des économies sur la devise pour le trésorier algérien et, par conséquence, avoir une plus grande autonomie alimentaire.
Votre pain est-il amélioré par des agents chimiques ?
En principe, nos farines ne contiennent aucun agent chimique et c’est la raison même de leur développement, d’autant plus que la fermentation de nos farines peut se faire avec de la pouliche ou le levain. La pouliche s’obtient en additionnant uniquement de l’eau à la farine. Pour les boulangers professionnels, la pouliche est considérée comme un amidon naturel qui donne la force à la pâte et améliore le goût.
Quel type de four utilisez-vous ; si c’est le four traditionnel, pourquoi avez-vous opté pour cette méthode de cuisson ?
Le choix du four est laissé à l’appréciation du boulanger. De toute façon, pour des questions économiques d’évolution technique, il serait plus rentable pour le boulanger d’utiliser de four conventionnel «four à dalle».
Rencontrez-vous des difficultés dans votre entreprise ?
Notre seule préoccupation demeure le comportement du consommateur algérien qui préfère toujours consommer le pain blanc. Ce type de comportement, qui s’est développé à partir des années 70, touche une grande partie des consommateurs, notamment parmi la nouvelle génération qui n’ont pas connu la grande variété des pains traditionnels algériens. Aussi, nous souhaitons que les pouvoirs publics organisent des campagnes de subvention sur les intérêts nutritionnels économiques et financiers des pains spéciaux.
Avez-vous l’intention d’engager des investissements ?
En matière d’investissement, nous envisageons d’implanter une boulangerie centrale industrielle de très grande capacité à Alger pour faire la promotion des pains spéciaux au niveau de la région. Ces pains seront commercialisés dans les surfaces commerciales et dans les grandes boulangeries. Cette implantation nous permettra à fidéliser notre objectif, à savoir celui de créer un centre de formation central à Alger.
A. A. O.