Nicolas Stavy est un musicien d’une sensibilité, d’une imagination, d’un lyrisme rares. Il animera aujourd’hui à partir de 19h00 au centre culturel français d’Alger (CCFA) un concert exceptionnel à Alger pour entamer par la suite une tournée dans plusieurs villes algériennes. Avec modestie et gentillesse, il a bien voulu nous accorder cet entretien exclusif.
Midi Libre : Vous venez pour la première fois en Algérie ; comment appréhendez-vous les concerts que vous allez animer ?
Nicolas Stavy : J’ai déjà animé des soirées musicales en Afrique. C’est la première fois que je viens en Algérie et j’ai hâte de découvrir votre public. Durant cette tournée, j’interpréterai les sonates de Liszt. Un programme dans lequel la littérature aura une large part, car n’oublions pas que Liszt était influencé par Lamartine et Hugo, ce qui a conféré à ses sonates une grande harmonie poétique. Il a d’ailleurs rencontré Hector Berlioz, George Sand, Alfred de Musset, Frédéric Chopin, Honoré de Balzac, et devient l’ami d’Eugène Delacroix et fait la connaissance de Niccolò Paganini, qui aura une grande influence sur le développement de son art. Alors, j’attends du public algérien de me surprendre. J’ai toujours eu la curiosité de découvrir les nouveaux publics et leur réaction. J’attends aussi de ce public qu’il ne soit pas comme ceux d’ailleurs. Je sais que c’est à moi de m’adapter et non pas à eux.
Votre dernier album paru le mois de janvier traite de quelques études d’Hélène de Montgeroult, comment l’avez-vous découvert ?
Je dois dire que c’est un hasard ! Il y a quelques années, elle fut à l’honneur au festival des Pianissimes et, à cette occasion, le musicologue Jérôme Dorival m’avait demandé de consacrer une partie de mon récital à cette compositrice. Je me suis alors plongé dans son œuvre et j’ai été impressionné d’abord par la quantité de pièces, ainsi que par la diversité de ses approches.
J’ai trouvé cette musique originale et très avant-gardiste. Ce qui m’a d’abord plu et impressionné, c’est la transition entre la forme, parfaitement classique, et le langage qui tend vers le romantisme. A travers sa musique, nous passons d’un univers proche de Haydn ou Mozart, à une densité beethovénienne, à une couleur schubertienne, à un climat proche d’un nocturne de Chopin.
La majorité de mon répertoire tourne autour d’œuvres bien connues, mais il me semble un devoir de tout interprète de faire connaître également des œuvres moins jouées voire oubliées. Le point indispensable est que la musique soit de grande qualité. Ce qui m’a plu également dans Hélène de Montgeroult est sa forte personnalité. Et c’est grâce à Jérôme Dorival et sa recherche que j’ai pu ainsi avoir des copies de son répertoire.
Pourquoi avoir choisi des morceaux au dépens d’autres ?
Le choix est certes à la base subjective et arbitraire, mais j’essaye à chaque fois de faire en sorte qu’en un seul disque il y ait des sonorités variées. J’ai tenté ainsi de réaliser un programme à la fois varié, représentatif de plusieurs modes d’écriture différents, tout en respectant une construction musicale d’ensemble. Je ne voulais pas faire un programme «musicologique» où l’on passe d’un mode à l’autre sans cohésion d’esprit, enchaînements de tonalité.
Allez-vous interpréter quelques morceaux pour le public algérien ?
Non, je ne crois pas. Car comme je le disais, j’accorde une grande importance à la cohérence musicale. Autant les partitions de Chopin peuvent s’accorder avec celles de Liszt, autant celles de Chopin avec celles d’Hélène de Montgeroult. Mais je trouve que les partitions de Liszt ne s’accordent en aucun cas avec celles d’Hélène de Montgeroult.
Enfin, quels seront vos prochains projets ? Et allez-vous vous intéresser encore une fois à redécouvrir d’autres facettes de la musique universelle ?
Oui justement, il va y avoir bien d’autres programmes en route car je viens d’enregistrer un tout premier programme consacré à Brahms dont je suis en ce moment en train de réaliser le montage. Il sortira à l’automne prochain !