Le Midi Libre - Culture - Dépasser la «honte» identitaire
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Edition du 1 Avril 2009



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Débats au forum culturel de la radio
Dépasser la «honte» identitaire
1 Avril 2009

L’enseignant-chercheur, spécialiste en littérature populaire à la fac d’Alger, M. Abdelhamid Bourayou, a au cours de sa conférence d’hier à l’auditorium Aïssa-Messaoudi de la Radio algérienne, retracé les étapes de la prise de conscience nationale quant à la nécessité vitale de sauvegarde du patrimoine immatériel dans toutes ses variantes. Cette prise de conscience a nécessité le dépassement d’un sentiment de honte, inoculé aussi bien par le colonialisme que par les idéologies totalitaires, face aux particularismes régionaux sans lesquels il ne saurait y avoir de culture nationale.

«Les générations montantes doivent prendre en charge les moindres aspects du patrimoine légué par les ancêtres. Le plus souvent, les gens ont honte ou sous-estiment ce qui leur a été transmis oralement et par tradition …» a déclaré M. Bourayou, approché à l’issue de sa conférence sur la sauvegarde du patrimoine culturel. Le chercheur a souligné l’évolution laborieuse et en dents de scie qu’a connue l’approche sur cette question pourtant fondatrice de l’identité nationale. Après un rejet du regard colonial des anthropologues qui ont succédé aux campagnes militaires de la conquête —parfois les premiers observateurs de la société algérienne étaient également des officiers de l’armée française— ce sont les idéologies relevant du nationalisme arabe qui ont faussé l’approche des Algériens par rapport à leur propre culture. Les abus et déformations de l’anthropologie coloniale dont le dessein était «d’étudier les us et coutumes des indigènes pour mieux les dominer» a entraîné un rejet de la discipline dans son ensemble durant les premières décennies qui ont suivi l’indépendance. La montée des nationalismes arabes et le ralliement idéologique qui s’en est suivi ont contribué à creuser un fossé entre l’Algérien et sa personnalité originelle. Le conférencier a cependant souligné que ces attitudes auto-méprisantes n’ont pas été le fait des premières générations d’intellectuels algériens ayant bénéficié de la double culture. C’est le cas notamment de l’encyclopédiste Mohamed Bencheneb (1869/1929) et de Boulifa, linguiste, sociologue et historien kabyle né en 1861. Conscients des destructions coloniales de la culture, les lettrés de cette génération se sont acharnés à archiver et à sauvegarder tout ce qu’ils ont pu de l’héritage pluri-millénaire. Après la Première Guerre mondiale, le travail de sauvegarde s’est fait par le truchement des artistes comme Bachtarzi et Rachid Ksentini qui ont puisé à pleines mains dans la culture populaire pour la création d’un théâtre authentique. Le même mouvement a été enregistré dans la création littéraire même d’expression française. Mais dans la double foulée de l’influence des Ulémas et du rejet de l’anthropologie au bénéfice de la technologie, il a fallu attendre les années 1980 pour que s’amorce un véritable tournant historique. La culture, devenue une revendication de mouvements et de partis politiques a alors fait incursion dans les textes fondamentaux du pays et des paragraphes ont été ajoutés dans ce sens à la Charte nationale. Avec l’ouverture de départements de culture populaire, de magister sur ce thème, la création d’un institut spécialisé à Tlemcen –le choix d’une région loin des remous politiques de la région centre n’étant pas fortuit-la question a connu un début de prise en charge. Dans le même sens sont nés les départements de langue amazighe et de culture populaire de Béjaïa et de Tizi-Ouzou. «Aujourd’hui, les recherches effectuées dans ce domaine par les centres comme le CNRPAH et le CRASC ne sont pas suffisantes», a déclaré le conférencier qui préconise une prise en charge généralisée de la question. La rencontre a été modérée par M. Rachid Salhi de la radio culturelle.

Par : Karimène Toubbiya

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