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Ait Oulhadj, un village marabout
11 Août 2010

Sous la protection du vénérable Oulhadj Amghar, le petit village d’Aït Oulhadj est singulier par ses traditions, sa configuration et son mode de vie en rapport aux neuf autres villages constituant la commune d’Aït Bouaddou.

Oulhadj, saint vénéré et adulé par les villageois est, selon la légende ou l’histoire racontée par les siens, le premier marabout à s’implanter dans ce creux sans lumière façonné par les torrents éternels entre Aït Irane, village aux escarpes tranchantes et Aït El Mansour, lui même à majorité maraboutique. Oulhadj, qui bénéficia d’un lopin de terre, un gite et l’hospitalité requise des autochtones, procréa et fonda, décennie après décennie, ce village de marabouts dans ce lieu enclavé duquel le soleil s’absente pendant les trois mois d’hiver laissant place au givre et à la neige. On raconte que le vieux démiurge fit jaillir l’eau d’un rochet qu’il fendit d’un coup de canne et décida de prendre demeure tout près de cette fontaine qui donne une eau généreuse à ce jour à 1.400 âmes. Toujours coincé entre deux montagnes, le village, tout en prenant le cours de la modernité conserve jalousement ses traditions ancestrales. En effet, pour rencontre un vieux, à proprement parler, il faut se rendre à Aït Oulhadj. Dans la place qui constitue le noyau du village, dans un espace aménagée sur l’oued souvent en cru, ils se retrouvent alignés l’un à côté de l’autre, sous la forme de Tajmaât des ancêtres, à se raconter les anecdotes du jour où à accorder la bénédiction après l’obole des visiteurs. Turbans blancs, burnous et gandoura blancs immaculés, les mains jointes, les yeux levés vers le ciel et la parole facile. Même les jeunes ainsi habillés donnent cette image à aura sacrée des vieux marabouts d’antan. Qu’ils s’appellent si Moh, si Ahmed ou si Ali, tous sont membres d’une délégation de bons offices qui sillonne les villages de la commune ou ceux avoisinants afin d’y régler conflits et malentendus. Les vendredis à l’heure de la prière, tous se rassemblent à la mosquée autour du mausolée de leur vénérable père à attendre les nombreux visiteurs qui viennent des quatre coins du pays, qui pour une bénédiction qui pour les soins, qui pour une médiation dans un différend l’opposant à un frère, un père, un membre de la famille ou à un villageois. A l’Achoura, la fête annuelle, l’affluence déborde sur les autres villages, les immatriculations des voitures indiquent à qui doute encore du pouvoir sacré de Oulhadj Amghar, l’origine et l’éloignement des arrivants : Oran, Annaba, Constantine, Setif… La fête qui dure trois jours et trois nuits rassemble, en plus des croyants, adeptes et habitués, des jeunes filles dans leurs plus beaux atours et les jeunes hommes dans leurs beaux habits pour des rencontres aguicheuses et prometteuses. Les dons collectés durant ces jours festifs renforcent la caisse pour plus de projets mais viennent aussi au secours des familles démunies que compte ce village dont les habitants ne vivent que de ce que leur assure l’émigration. En effet, étant marabouts, venus en hôtes, à Aït Bouaddou, à l’instar d’autres marabouts implantés dans d’autres régions, en dehors d’une modeste habitation et d’un verger, les fils de Oulhadj Amgahar ne possèdent ni terre ni biens apparents. Les plus chanceux d’entre eux, qui ont connus les affres des mines de charbons dans le nord de la France, sont revenus acheter et construire dans les plaines loin des flancs déjetés d’une montagne hostile. Depuis leur installation au village, les mariages chez les Aït Oulhadj se font exclusivement en famille. Mais ces dernières années les sages ont décidé d’abolir cette tradition permettant à leurs filles d’épouser enfin « les Kabyles » Depuis, des prétendants autres que les marabouts pénètrent enfin ce sanctuaire qu’est le village Aït Oulhadj.

Par : Nawel Ben

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