Le Midi Libre - Culture - S’mina Bacha ou la preuve par le dessin
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Edition du 14 Mars 2013



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Débuter un art à 80 ans
S’mina Bacha ou la preuve par le dessin
14 Mars 2013

Entamer une activité artistique à l’automne de sa vie n’est pas chose courante. A 77 ans, Bacha S’mina se lance dans l’apprentissage du dessin, sa passion de toujours, et cette décision tardive a changé sa vie dans le bon sens. Et puis, en encourageant son entourage à ne jamais renoncer à ses rêves, elle donne une belle leçon de persévérance et de volonté.




Parler de soi peut s’avérer un exercice difficile lorsqu’on a l’humilité de S’mina. Le sourire qui ne la quitte presque jamais semble traduire cette qualité à laquelle s’ajoute une sagesse qu’on croirait innée tant elle paraît avoir toujours eu un tempérament des plus pondéré.
Lorsque Bacha S’mina décide, en 2009, de franchir le seuil de la Société des Beaux-arts d’Alger pour s’enquérir des modalités d’inscription, elle ne pouvait espérer un aussi heureux hasard: la limite d’âge pour ce faire était de... 77 ans. Aujourd’hui, à 80 ans, elle savoure la joie de "réaliser quelque chose d’important" dans sa vie et "rien que pour elle".
"La peinture m’habite depuis toute petite mais je ne pensais pas pouvoir un jour m’y mettre. Mon mari devait m’inscrire il y a déjà 30 ans mais j’ai préféré me consacrer entièrement à mes enfants", confie-t-elle à l’APS avant d’avouer ses regrets de n’avoir pas su s’organiser autrement.
Par moments, elle s’arrête de parler tant elle se sentait "gênée" par tant de sollicitude: la voix douce et sereine, l’air quelque peu timide, elle note que d’autres personnes "plus talentueuses" mériteraient qu’on parle d’elles.
Il aura fallu qu’elle reçoive de ses enfants, en guise de cadeau, du matériel de peinture pour que l’idée de peindre se concrétise: d’une toile à une autre, le talent de S’mina s’exprime de mieux en mieux.
Le regard embué par l’émotion que suscite en elle ce souvenir, elle cesse de s’exprimer un laps de temps pour revivre en mémoire cet instant mémorable, à l’origine de ce qui s’apparente, pour elle, à une "révélation".
"Le dessin m’apporte beaucoup de joie. Lorsqu’on se quitte pour les grandes vacances, c’est un moment émouvant pour les élèves et notre enseignant que je considère comme une seconde famille", se réjouit-elle avant qu’un soupçon de regret ne vienne tempérer son ardeur : "Mon enseignant me dit souvent que si j’avais commencé plus tôt je me serais faite un nom aujourd’hui".

Peindre pour le plaisir

Même si elle a exposé dans de nombreuses manifestations à Alger et dans d’autres villes du pays, S’mina ne se considère pas pour autant une artiste "accomplie" mais juste une personne qui peint pour son "plaisir". Elle hésite même à citer ses idoles que sont Ziani, H’sissen, Laraba et encore moins à évoquer les "génies" de la peinture que sont Monet, Renoir, Villard, de peur de paraître se mesurer à eux. Son modèle féminin demeure la Grande Baya (Baya Mahieddine) dont la beauté du style dit naïf ne laisse pas indifférente.
Si elle n’a jamais eu de vie professionnelle, Bacha S’mina a toujours su occuper son temps. C’est sans doute cette énergie débordante qui lui procure une éternelle jeunesse d’esprit qui déteint positivement sur son aspect extérieur:
A 80 ans, elle paraît en avoir quelques années en moins et son frêle corps respire toujours le dynamisme.
Elle sait la chance qui est la sienne de pouvoir encore à son âge faire les choses d’elle-même. Aussi, compte-t-elle la saisir tout en étant "lucide" quant à ce que peut réserver le proche avenir.
Celle qui s’acharne à se rendre plusieurs fois par semaine à la Société des Beaux-arts pour dessiner trouve "aberrant" que des personnes se plaignent de "s’ennuyer" ou de trouver le temps long et le trouve, au contraire, trop court pour bien l’occuper et de différentes manières. Aussi, ne cesse-t-elle pas d’inciter son entourage à aller au-devant des dons qui peuvent être enfouis en chaque personne. "A la société des Beaux-arts, j’encourage les jeunes apprenties à saisir l’occasion en or qui se présente en leur disant que leurs mères ou grand-mères n’osaient même pas en rêver. Elles étaient nombreuses ces femmes qui à l’époque ne regardaient le ciel qu’à travers la fenêtre ou le patio de leurs maison", relève-t-elle.
Elle se remémore non sans une pointe d’amertume qu’étant toute petite elle n’osait pas avouer à son père son penchant pour le 3ème art car "c’était mal vu à l’époque". "Avec du recul, beaucoup de pères regrettent plus tard d’avoir agi de la sorte en voyant d’autres filles réussir dans leur vie", constate-t-elle.
Après une vie quasiment dédiée à sa famille, Bacha S’mina dessine aussi "pour laisser quelque chose" à ses enfants et petits-enfants qui sont "très heureux" de la voir aussi épanouie dans le dessein.
Maman poule, ses enfants tiennent une place prioritaire dans sa vie et sa famille a supplanté son amour pour le dessin. Aux côtés de son défunt époux, de ses enfants et petits-enfants elle a pu en "faire le deuil" sans trop de peine: point d’amertume ou de frustration démesurée de n’avoir pu concrétiser son rêve.
Les traits de son visage vieilli trahissent pourtant une vie pleine et épanouie et ses propos reflètent une "passionnée de la vie" qui sait apprécier les choses dans leur plus belle et simple expression. Une leçon de vie.

Par : APS

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